Après Gilles Cantagrel, spécialiste du cantor de Leipzig, Simon Berger fait de Bach le personnage de son premier roman en racontant l’épisode déterminant néanmoins méconnu qu’est sa rencontre avec le compositeur Dietrich Buxtehude. En 1705, le jeune Johann Sebastian occupe depuis deux ans le poste d’organiste de l’église Saint-Boniface à Arnstadt, lorsqu’il s’absente durant quatre mois au cours desquels il se rend à Lübeck où vit Buxtehude, le célèbre créateur des « Concerts du soir » parfois taxé d’hérésie. Ce voyage d’hiver de quatre cents kilomètres dans un pays enneigé, Bach le fait à pied, porté par une seule ardeur : rencontrer l’auteur de sept cantates bouleversantes dont il se fera voler la partition et unique viatique au cours de son périple. Logeant dans les auberges, frappant aux portes, communiant avec la nature dans le froid vif, Bach progresse sur le chemin initiatique de la vérité et de la liberté. Chez Buxtehude, il prend conscience que la musique a vocation à servir Dieu, pas les officiants, tout comme elle ne doit pas endormir les fidèles mais exalter leur ferveur, et même plaire aux profanes. Jusque-là instrumentiste docile se conformant aux exigences du consistoire, c’est-à-dire assurer fidèlement le service liturgique, Bach revient de ce séjour transfiguré ; il déconcerte ses auditeurs en changeant complètement le choral par son art du contrepoint, ses variations et ses improvisations, ce qui lui sera reproché. Simon Berger, avec un langage contemporain, nous parle avec énergie du génie qui traverse le temps, du mystère de la musique de Bach, « cause principale de ses insomnies », intemporelle et universelle.