A la fin de la deuxième guerre, lorsque que la joie a laissé à la place à l’horreur et que l’on a découvert l’ampleur des massacres, lorsque plus personne n’est arrivé au Lutetia et que l’on a compté les morts, il s’est joué une autre forme de drame: les enfants juifs restés seuls au monde avaient été recueillis par des institutions, des écoles, des couvents, des familles. Ils avaient aussi parfois été baptisés, parce que ce sacrement constituait une protection pour eux, mais pas seulement. Ces orphelins, devenus pupilles de la nation, furent placés chez des gens qui devenaient leurs tuteurs et avaient désormais la priorité sur d’éventuels membres de la famille (frère et sœurs, oncles et tantes) ayant survécu. Si certaines de ces personnes s’étaient véritablement attachées à ces enfants comme s’il s’agissait des leurs, d’autres avaient saisi l’occasion d’une main d’œuvre bon marché, ou avaient cédé à la tentation de convertir ces petits juifs en petits catholiques.
Ariane Bois s’est inspirée de cet épisode peu glorieux de l’après-guerre pour brosser une grande fresque qui se déroule entre 1939 et 1967, de Paris à New York, en passant par Toulouse et Tel-Aviv. Le héros est un jeune homme juif, résistant et survivant, Simon Mandel. A vingt ans, il a perdu ses parents, déportés, son frère et sa sœur, et il part à la recherche de son petit frère, Elie, disparu après la mort de sa nounou. Au cours de cette quête, il découvre des dizaines d’enfants, dont les parents ne reviendront pas des camps, réussit parfois à dénicher leurs familles exilées à l’autre bout du monde, mais se heurte à cette mesure de tutelle qui complique beaucoup les retrouvailles. Au cours de cette mission, Simon rencontre Lena, une rescapée du ghetto de Varsovie qui ne rêve que de recommencer une nouvelle vie en Israël…
Pour son cinquième livre, « Le gardien de nos frères », Ariane Bois qui est journaliste et signe des chroniques pour onlalu, est portée (habitée même) par son sujet et réussit un récit à la fois historique (beaucoup de faits sont vrais) et très romanesque. Un parfait mariage…