Andreï Makine avait publié, en juin 2006, un livre intitulé « Cette France qu’on oublie d’aimer ». Il y était question de deux soldats français de la Seconde Guerre Mondiale. Ce livre, le lieutenant Schreiber l’a lu et, parce qu’il avait connu ces deux soldats, a contacté Andréï Makine. A partir de là, s’est nouée une indéfectible amitié qui a aboutie à la publication en 2010 des mémoires de Jean-Charles Schreiber, lieutenant pendant la Seconde Guerre Mondiale.
Ces mémoires ont vécu trois mois en librairie avant que l’échec éditorial du livre ne le voue au pilon. C’est par déception autant que par culpabilité (Andréï Makine avait convaincu Jean-Charles Schreiber de publier ses mémoires) qu’Andréï Makine a publié ce « Pays du lieutenant Schreiber », pour lui rendre hommage autant que pour laisser une trace de son histoire qui n’est pas que l’histoire d’un homme mais celle d’une humanité.
Au-delà d’un simple exercice de (devoir de) mémoire, le fait d’inscrire noir sur blanc des faits, des noms, des dates, des évènements, c’est l’occasion de leur offrir une éternité qui sinon leur serait refusée. En cela, le livre d’Andréï Makine est d’une rare utilité. Il ne se veut toutefois pas du tout être le récit détaillé de la vie d’un lieutenant de la Résistance, juif renvoyé en 1941, qui reviendra en France par le sud, avec les chars libérant l’Est de la France.
C’est aussi en filigrane l’histoire de la rencontre entre Andréï Makine et Jean-Charles Schreiber. Leur relation, d’abord emprunte de curiosité pour l’un et d’intérêt (à pouvoir raconter à quelqu’un son histoire) pour l’autre, se drape ensuite d’une amitié sincère, pleine de respect pour le soldat et l’homme que fut Jean-Charles Schreiber dont l’acuité du regard sur ses contemporains successifs (soldats d’abord pendant la guerre, puis intellectuels ensuite, avant que ce ne soient les politiques ou le monde des affaires) n’est pas inintéressant.
La plume d’Andréï Makine nous emmène sur les routes françaises de la libération, sur les sentiers de la fuite dans le maquis, sur les traces du général De Gaulle,… Il nous emmène aussi dans les coulisses de l’aventure éditoriale des mémoires de Jean-Charles Schreiber, expliquant en quoi elles revêtaient une importance capitale, pour l’homme de quatre-vingt-dix ans redevenu lieutenant le temps de leurs discussions, pour Andréï Makine ensuite et pour tout lecteur potentiel enfin.
Une bien belle histoire sous une bien belle plume.