Le poids de la neige
Christian Guay-Poliquin

l'observatoire
janvier 2018
251 p.  19 €
ebook avec DRM 6,99 €
 
 
 
 La rédaction l'a lu

« Le poids de la neige » est le coup de coeur de la librairie Tropismes (Bruxelles) dans le q u o i  l i r e ? numéro 16 

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coup de coeur

Le poids de l’entraide

Plus d’électricité depuis quelques temps, l’hiver est là avec la neige. Un homme est retrouvé les jambes écrasées sous sa voiture. Recueilli par les habitants, il est soigné par la vétérinaire, puis remis aux bons soins de Matthias, un vieil homme échoué dans ce village, contre nourriture, bois de chauffe et…. une place dans le premier convoi qui partirait pour retrouver sa femme hospitalisée dans la grand ‘ville d’à côté.
Dans une ambiance de fin du monde, une gigantesque panne d’électricité, la neige qui tombe drue, plus de téléphone, plus de moyens de communications, plus d’essence, le village est coupé du monde « C’est l’hiver, les journées sont brèves et glaciales. La neige montre les dents. Les grands espaces se recroquevillent ». Petit-à-petit, l’entente du début va se rompre, les provisions commencent à manquer tout comme le bois de chauffage. Les hommes vont ruser, chaparder pour quitter cet endroit, pour retrouver la ville et, peut-être, espèrent-ils, l’électricité.
Dans cette période quasi apocalyptique, Matthias et son blessé sont isolés du village dans une grande bâtisse abandonnée. Ils occupent la véranda et vont devoir s’apprivoiser. Chaque jour est un nouveau jour. Le jeune homme ne parle plus, Matthias fait la conversation, le soigne, le nourrit ; supplée à tout.
Un huis clos où les deux hommes s’évaluent, cernés par la blancheur et le froid. L’ambiance est lourde, le face-à-face hypnotique, tendu, qui s’affine au fil des jours, rompu par les visites des villageois venus apporter de quoi manger et se chauffer.
Le jeune homme est cloué ans son lit et regarde par la fenêtre la vie du dehors. Tout est ralenti par les éléments, et la neige qui recouvre tout.
L’écriture concise, précise, poétique de Christian Guay-Poliquin décrit fort bien cette lenteur, l’ennui, la suite lancinante des jours qui se ressemblent, le poids de la neige, les tensions entre les hommes. La violence est très présente, larvée ou réelle. J’entre à petits pas dans la véranda, dans la vie des deux hommes et je m’y suis sentie à l’aise.La panne d’électricité montre à quel point les habitants en sont dépendants et les renvoient à l’animalité des hommes. Petite originalité, la numérotation de chapitres fait référence à la hauteur de neige.
Une lecture faite sous la chaleur de la couette pour me protéger du froid dû au réalisme des descriptions. J’ai aimé la beauté des paysages décrits par Christian Guay Poliquin, la poésie qui émane de ce livre
Les descriptions de Christian Guay-Poliquin sont d’un réalisme bluffant. Tout au long de ma lecture, j’ai ressenti ce froid par tous les pores de ma peau. J’ai également été impressionnée par la beauté des paysages ainsi que par toute cette neige qui n’en finit pas de tomber jusqu’à ce que l’atmosphère devienne plus lourde, plus oppressante.
Une très bonne lecture

« J’ai toujours su que tu finirais par céder, recommence Matthias. Si on ne peut pas changer les choses, on finit par changer les mots. Je ne suis pas ton médecin, je ne suis pas ton ami, je ne suis pas ton père, tu m’entends ? On passe l’hiver ensemble, on le traverse, puis c’est fini. Je prends soin de toi, on partage tout, mais, dès que je pourrai partir, tu m’oublies. Tu te débrouilles. Moi, je repars en ville. Tu m’entends ? Ma femme m’attend. Elle a besoin de moi et j’ai besoin d’elle. C’est ça mon aventure, c’est ça ma vie, je n’ai rien à faire ici, tout ça est un concours de circonstances, un coup du sort, un grossière erreur ».
Deux hommes qui n’ont a priori aucune raison de se rencontrer se retrouvent obligés de cohabiter dans une maison à l’abandon, à l’écart d’un village où la neige tombe sans discontinuer.
L’hiver a commencé, il se passe quelque chose en ville, nous ne saurons jamais très bien quoi. Il n’y a plus d’électricité, les vivres manquent, des milices se forment, il devient dangereux de voyager. Au village, le narrateur a eu un accident de voiture et a les deux jambes brisées. Personne n’a trop envie de le prendre en charge. Un deal est passé avec Matthias, un vieil homme qui est coincé ici alors qu’il veut retourner en ville, où sa femme est malade.
Il accepte de s’occuper du blessé, à condition de faire partie du premier convoi qui partira en ville au printemps. L’accord est passé, Maria, la vétérinaire viendra régulièrement voir le jeune homme et Joseph amènera des vivres.
Le huis-clos est chargé de tension, chacun s’observant. Au début le blessé ne parle pas, il ne sait pas s’il pourra marcher à nouveau, il n’a pas de force. Matthias est un curieux personnage, entièrement tendu vers le désir de retrouver sa femme afin qu’elle ne meure pas seule.
L’alchimie est parfaitement réussie entre l’évocation de la nature, tantôt dangereuse, tantôt somptueuse et l’aspect angoissant de la relation entre les deux hommes. On s’attend à un drame à chaque page. Le blessé (dont nous ne connaîtrons pas le nom) se méfie de Matthias, le soupçonnant de vouloir partir en douce. Les visiteurs ne viennent plus, les vivres se raréfient, la neige monte de jour en jour, jusqu’à des hauteurs jamais atteintes.
J’ai été captivée par ce face-à-face contraint, ou perce malgré tout de la solidarité et où on ne sait qui est le plus dangereux, de la nature ou des hommes. Les descriptions poétiques du paysage et des éléments apportent une touche apaisante à l’histoire, que j’ai lue presque d’un seul jet. Un auteur québécois de plus à suivre ..
http://zazymut.over-blog.com/

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Figurez-vous qu’au moment même où j’ouvrais les premières pages de ce livre, quelques flocons commençaient à tomber sur mon village normand. Maintenant, une couche de neige bien épaisse recouvre tout le paysage. Personne dans les rues. Difficile alors d’être plus en phase avec un livre qui raconte le quotidien de deux hommes coupés du monde dans un paysage enseveli sous la neige ! Bon, ma maison a l’air plus solide que la leur (enfin j’espère!), on trouve encore de quoi manger dans l’épicerie du coin et ce soir, je pourrai allumer la lumière (le dire porte malheur, alors je me tais !) Passons…
Le Poids de la neige m’a fait penser à d’autres livres que j’ai lus récemment et qui racontaient le quotidien de gens privés d’électricité, dans une atmosphère de fin du monde (comment pourrait-il en être autrement?) : le merveilleux livre de Jean Hegland Dans la forêt et celui d’Emily St. John Mandel : Station eleven. Comme quoi, la privation d’électricité est visiblement LA phobie du XXIe siècle : plus de chauffage, d’eau chaude, de téléphone, d’ordinateurs et de tout ce qui est informatisé (je vous laisse faire la liste, elle est infinie !) Une autre vie quoi !
Dans ce roman, deux hommes sont amenés à partager leur quotidien dans une maison abandonnée : l’un, le narrateur, un jeune mécanicien, est revenu au village pour voir son père mourant. Mais, sur la route, il a eu un très grave accident et a perdu momentanément l’usage de ses jambes. Il est alité et muet.
L’autre, Matthias, un homme âgé, était de passage lorsqu’il a dû trouver refuge à cause du froid. Il espère repartir au plus vite pour retrouver sa femme restée en ville. En attendant, il est coincé. Il s’occupe de soigner son coloc’ (en échange, on lui a promis une place dans un convoi qui partira au printemps), fait la cuisine, le ménage, alimente le poêle, lit, part dans le village à la recherche d’une nourriture qui se raréfie. Il tente aussi d’engager la conversation mais le plus jeune ne répond pas.
Il y a du En attendant Godot dans cette œuvre, ce huis clos, où l’on attend de pouvoir repartir mais vers quoi exactement ? Y a-t-il encore quelqu’un ailleurs ? Une âme qui vive ? Et où ? Dans quelle direction ? Et que faire de ce moment présent qui s’étire infiniment ? Comment le remplir, l’occuper, faire en sorte de ne pas devenir fou ? Regarder la neige tomber, s’accumuler, rendant impossible tout désir d’évasion est-il un divertissement « suffisant » ? (Je repense, veuillez m’en excuser, c’est obsessionnel chez moi, à un de mes romans préférés : Un Roi sans divertissement de Giono dont le thème central est précisément celui de l’ennui et de la nécessité pour l’homme de se divertir, de se détourner de sa condition de mortel en se divertissant – chasse, pêche, balades, meurtres (eh oui!). Des disparitions étranges ont lieu l’hiver dans un petit village de montagne recouvert de neige… Je ne vous en dis pas plus…) Faut-il profiter du moment présent, admirer la beauté de ce paysage à la fois fascinant et dangereux, contempler la beauté qui est offerte ? Ou bien faut-il tenter de fuir au plus vite au risque de rester bloqué et de mourir ?
Et cet autre, là, celui avec lequel on partage ce quotidien étrange, faut-il le supporter, l’aider, le soigner ou… le tuer ? Doit-il devenir un ami ou un ennemi ? Plus on avance dans l’oeuvre, plus la tension est palpable entre les deux hommes. La relation oscille sans cesse entre la solidarité et la méfiance, mais jusqu’à quand tiendront-ils ainsi ?
La seule chose qui change, chaque jour, c’est l’épaisseur de la couche de neige dont la mesure précise est indiquée en tête de chapitre – d’ailleurs, dans un premier temps, je me suis demandé à quoi ces nombres correspondaient. Le narrateur observe ces variations sur un piquet planté à l’extérieur et il peut les surveiller de loin grâce à la longue vue que Matthias lui a donnée. Et chaque jour, ça empire, rendant impossible toute évasion comme si l’hiver prenait en otage deux hommes , les obligeant à demeurer loin de tout dans une solitude oppressante. L’auteur, interviewé, avoue qu’il adore les récits dans lesquels il ne se passe rien car tout peut arriver à chaque instant. Et c’est vrai qu’il y a une tension réelle dans ce roman.
Je regarde par la fenêtre, la neige s’épaissit, la nuit va bientôt tomber. La lumière est étrange ce soir. Je vois mon voisin, plus tout jeune, qui sort. Je m’interroge sur ce que deviendraient nos rapports si l’électricité venait à manquer, entraînant l’absence de nourriture et de chauffage. Reste-t-on humain dans un monde sans électricité ? Une seule chose en moins,(bon d’accord, l’électricité, ce n’est pas rien) et le monde serait tout autre, comme quoi, finalement, notre civilisation ne tient pas à grand-chose… Ce serait très probablement l’effondrement de la vie en société, de notre comportement civilisé. Nous redeviendrions des bêtes sans morale, prêtes à tout pour survivre.
Mon voisin retourne à pas tranquilles vers sa maison, il me voit derrière ma fenêtre et me fait un petit signe : j’ouvre. « ça vous dirait un peu de mâche ? De ce temps-là, on va la perdre, je vous en mets dans un sac. »
Tout va bien.
S’il savait ce que j’avais en tête deux minutes plus tôt, il serait horrifié…
Je vous aime, frères humains, à condition que l’électricité parvienne jusque chez moi…

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c’est l’hiver la neige montre ses dents

Sa voiture n’est plus qu’un amas de ferrailles tordues, il est cloué au lit, les jambes immobilisées dans des attelles. Il a survécu à un terrible accident de voiture, il sait qu’il ne peut plus rien faire par lui-même.

Mathias, suite à une panne de voiture, s’est retrouvé piégé ici, sa femme l’attend, il doit retourner en ville. Mathias a accepté deveiller sur lui, en échange de deux rations de nourriture et d’une place dans le convoi qui partira pour la ville, dès le retour du printemps. Il n’y a plus d’électricité depuis des mois, les hôpitaux sont loin.

Cette pièce où ils vivent tous les deux reclus sera bientôt trop petite pour eux deux…

Un terrible concours de circonstances et deux hommes se retrouvent dans un huis clos glaçant, au fil des chapitres la neige s’amoncèle et la tension monte. le désoeuvrement est le danger le plus menaçant. Il faut rationner les vivres en attendant la prochaine livraison. Des paysages somptueux, une atmosphère étouffante mais hypnotisante, avec son écriture simple l’auteur réussit à nous tenir en haleine jusqu’au bout, et pourtant rien ne se passe.

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