Ce court roman est un croisement étonnant. Il emprunte le chemin de l’essai littéraire, de confronter la poésie de Baudelaire à notre époque. Il prend les airs de la mode des zombies par des descriptions précises d’un corps en pleine décomposition. Mais derrière ces faux-semblants, Eric Chauvier interroge des figures de la rue. Il place Baudelaire dans le rôle d’un citoyen, homme arpentant l’asphalte et observant le monde, la société. Face à lui, des passants, qui le rejettent, sans prêter attention. Eric Chauvier va plus loin que de prouver la pertinence de la poésie de Baudelaire. Il s’intéresse à cette société, la nôtre (et son propos sera peut-être d’actualité longtemps), qui ne voit pas les poètes. L’auteur tente de comprendre les rouages d’une certaine poésie. C’est une manière d’être au monde, de déambuler, de regarder et de piocher des éléments. Bien que son corps disparaisse au fur et à mesure du livre, une force persiste, assez forte pour créer cette poésie. Est-ce que cet art irait au-delà de la chair ? Très rapidement, ce roman se transforme en rêverie, en balade digne de François Villon, dans des univers urbains. Ce que Baudelaire a imaginé, les dérives qu’il a perçues existent maintenant. La réalité rejoint ses mots, s’en approche. Le texte puise dans les images du XIXeme siècle et dans celles d’aujourd’hui pour questionner la possibilité d’accueillir le poète, l’observateur, celui qui voit au-delà. La fin terrible annonce cet impossible accueil mais témoigne également de la suprématie des mots du poète sur les actes.