Fascinée par les secrets de fabrication du roman et par les romans qui parlent de… romans, autrement dit la métafiction, technique narrative chère à Paul Auster ou à Thomas Pynchon, pour ne citer qu’eux, je me suis délectée à la lecture du dernier livre de Thierry Hesse.
Un sujet peut en cacher un autre
L’écrivain messin Samuel Richard, double de l’auteur, a trouvé le sujet de son prochain roman en Malik Oussekine, cet étudiant tué par la police en marge des manifestations contre la loi sur l’Université en 1986. Mais Samuel piétine, doute et n’avance pas ; alors qu’il est en plein désarroi, il reçoit l’appel d’un orthodontiste de l’Oise, descendant du duc d’Aumale, qui lui demande d’écrire la biographie de son illustre aïeul. Samuel Richard, tout d’abord agacé et vaguement amusé, finit par accepter la commande contre une belle rétribution, et interrompt ses recherches sur Malik Oussekine pour s’atteler à sa tâche de nègre. Mais le premier jet n’a pas l’heur de plaire à son client, et notre auteur décide de se remettre sérieusement à son « Livre de Malik ». Entretemps, l’actualité vient perturber ses bonnes résolutions avec l’affaire Sakineh, du nom de cette Iranienne condamnée à la lapidation.
L’atelier du romancier
Voici un vrai/faux journal d’écrivain contenant réflexions, recherches et ébauches. Que se passe-t-il dans la tête d’un auteur en panne, qui ne sait par quel angle aborder son sujet, le rendre romanesque, le traduire en histoire ? Et puis, au fait, pourquoi Malik Oussekine ? Le romancier parle de l’intrication labyrinthique du réel et de la fiction, et insiste sur l’importance des personnages et ce qu’ils disent de leur créateur. Il est passionnant quand il commente ses inspirateurs Philip Roth, David Lodge ou Jonathan Franzen, drôle quant à ses rapports avec son éditrice, avec la critique et le petit monde des festivals, et humble face à son travail. Qu’on ne s’y trompe pas : sous ses airs faussement déstructurés, ce roman est habilement charpenté et Thierry Hesse est bien un romancier, un vrai.