Etrange, beau, dans cet entre monde puissamment légendaire, ce récit fantastique est atypique. Nous sommes en plongée dans un Xième siècle où les êtres sont courbés tel le roseau sous le vent dans une ambiance de conte toute de dualité. Les croyances, les diktats sont un copier-coller d’un XXIème siècle empreint d’un racisme latent pour l’étranger (ère). L’incipit : « L’hiver avait détérioré le château de Gisphild. » dévoile le devenir d’une trame aérienne, solaire et donnante. L’écriture est un honneur car souveraine. On ressent d’emblée par le brillant du style la teneur ésotérique d’un conte à plusieurs lectures. L’ambiance est sombre, voire ténébreuse, le lecteur apprécie ce temps de replis dans une histoire dont l’atmosphère est dévoilée à l’extrême. On est dans le centre du sujet, en écoute des mots de l’auteure, dans la langueur des pages qui se tournent en délectation. Ici tout est magie, mystères, drames. Captivante et surprenante mêlant les frissons, les craintes, les espoirs, les surprises, les rebondissements. Le summum est là. Les Flandres deviennent la chevelure de Goda répudiée par son mari Arbogast, étrangère, indésirable aux Flandres, à l’espace des Ardents, isolée, en proie aux loups métaphoriques dont les mâchoires sont de haine et de fiel. On déteste Isendraud femme altière, dévoreuse de beauté, cruelle et mesquine, belle-mère de la belle Goda. Goda la lumineuse, la pure l’emblématique, celle par qui l’entrelac de la sérénité s’épanche et s’agrandit dans cette osmose de pureté et de paix. Goda et sa voix perlée de bonté et de magnanimité. « Que ma maison vous soit un asile. » On aime les prévenants, les veilleurs, ceux qui savent, tel sire Bruny. L’ampleur magnifiée d’une histoire qui semble née depuis des millénaires. Dans cet espace d’une littérature aboutie, Goda la métaphorique remporte la palme. Les Ardents vont se venger. Ces maîtres vont détruire cette région des Flandres, le maléfique parabolique va advenir. Cette légende est une habile mise en garde. « Apprendre à toujours se méfier » comme le disait Prosper Mérimée. On ne peut refermer « Les Ardents » sans quitter des yeux Goda. Nadine Ribault est une conteuse, une éveillée, une donnante. « Les Ardents » est à lire au coin du feu, à l’orée d’une forêt, dans le sombre d’une nuit tempétueuse. C’est un grand livre, une épopée imaginaire mais pas que. Subtil, intuitif, « Les Ardents » est ce que le jour doit à la nuit.