Permettez-moi de ne pas être objective.
Parce que Marie-Sabine Roger et moi, depuis plus de quinze ans maintenant, nous vivons une belle histoire d’amour. (Elle va être surprise en l’apprenant…)
Oui, Marie-Sabine Roger est pour moi comme… Philippe Jaenada, Antoine Bello, Jean-Paul Dubois, Emmanuelle Bayamack-Tam, Marie-Hélène Lafon, Martin Winckler, Gaëlle Josse et quelques autres encore…
Ce sont mes petits chéris, on n’y touche pas. Je les défendrais bec et ongles contre la terre entière si la terre entière venait à les égratigner.
En trois mots : je les aime. J’aime leur langue, leurs mots, leurs phrases, leurs personnages, leurs histoires. J’aime quand ils me parlent d’eux et des autres. Je suis comme un vieux chien fidèle : je reconnais leurs textes à dix kilomètres à la ronde. Ils me font rire, ils m’impressionnent par leur incroyable imagination, leur folle invention. Et surtout, je sens chez chacun d’entre eux une telle humanité qu’il me semble que leurs livres vivent d’une vie autonome.
Il m’arrive de les croiser, lors de salons littéraires, jamais, au grand jamais, je ne m’approche pour leur parler. Je risquerais de m’évanouir. Oui, je suis comme ça. Au dernier Salon du Livre de Paris, j’ai admiré de loin mon grand nounours de Jaenada. J’enviais tous ceux avec qui il discutait. Je suis incapable d’adresser un mot aux gens que j’admire. Ou alors, rouge comme une tomate et vacillante, je bafouille péniblement trois banalités et je m’en veux pour le reste de la journée.
Voilà .
Donc, Marie-Sabine Roger, je l’aime.
Et j’aime son dernier roman, bien sûr.
Parce que c’est du Marie-Sabine Roger pur jus.
Que je vous raconte (pas tout, évidemment!)
C’est l’histoire d’une fille aux « bras pantins nerveux » et aux « mains polichinelles » qui a perdu son parapluie – un parapluie auquel elle tenait beaucoup parce qu’il lui rappelait sa mère. Je vous le dis tout de suite, elle ne le retrouvera pas. Sur le tableau des petites annonces, à l’épicerie, aucun mot n’a été laissé pour signaler qu’un parapluie aurait été retrouvé. Aucun. Vous voyez, ça, c’est typique des personnages de Marie-Sabine Roger : ils sont du genre à penser que si quelqu’un retrouve leur parapluie, il va nécessairement prendre la peine de rédiger une petite annonce pour retrouver le propriétaire… En revanche, Harmonie, tel est son nom, tombe sur une affichette rédigée par une certaine madame Suzain, qui habite la même rue qu’elle. Cette dernière recherche « quelqu’un pour deux heures de ménage une ou deux fois par semaine suivant le cas. » Étrange ce « suivant le cas… »
Harmonie appelle et tombe sur … Fleur.
Comment vous décrire Fleur ? Fleur et sa porte blindée neuf points ? On ne peut pas dire qu’elle soit épanouie… Non pas vraiment. Fleur est une vieille dame de soixante-seize ans, à moins qu’elle ne soit en réalité une petite fille qui écrit tous les soirs dans son journal intime, on ne sait pas au fond. « Admirez sa rondeur de planète la courbe de ce bras plus dodu qu’un jambon observez sur sa lèvre supérieure cette fine rosée de sueur la douceur dans ses yeux d’enfant intimidée qui ne sait pas comme elle devait être belle à trente ans »
Lorsque Harmonie l’appelle pour le travail, Fleur entend comme des aboiements. Pourvu que cette femme n’ait pas l’idée d’amener son chien !… Comment peut-on imaginer faire du ménage dans ces conditions? Les gens sont fous à notre époque !… Surtout, si c’était le cas, ça risquerait de déplaire à Mylord…
En réalité, Fleur n’a besoin de personne pour son ménage, sa maison est tenue plus qu’impeccablement. Non, elle veut juste qu’on lui garde Mylord, son amour de petit chien, le temps d’aller…
Si vous saviez à qui Fleur rend visite….
Mais… le sait-elle elle même ?
Allez, ce roman est délicieux, il se déguste comme une belle part de gâteau au chocolat recouvert de crème fouettée faite maison : on salive quand on l’a devant soi, on l’entame avec une émotion sans nom, on se régale de chaque bouchée, on ne veut pas en perdre une miette, on regarde avec envie l’assiette de son voisin et une fois fini, on en reprendrait bien encore un peu !
Et, bien entendu, on se lamente de l’avoir avalé si vite !
Comme toujours, les personnages sont de pures merveilles : jamais je n’oublierai Fleur et Harmonie, mes deux cabossées, mes deux bracassées. Et je ne vous ai pas parlé du merveilleux Monsieur Poussin. Lui, j’ose à peine l’évoquer tellement mes mots ne sauront jamais restituer ce qu’il est. Non, il faut la délicatesse, la sensibilité et la poésie de Marie-Sabine Roger pour dire qui il est. Et c’est magique.
Lisez doucement, régalez-vous, lecteur chanceux de n’avoir pas encore parcouru la première page de ce roman…
Comme je vous envie !
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