Les gratitudes
Delphine de Vigan

Lattès
mars 2019
172 p.  17 €
 
 
 
 La rédaction l'a lu
coup de coeur

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nuit blanche

Quand les mots s’en vont, reste l’émotion

A tous je conseille la lecture de ce court récit : ça traite du vieillissement bien sûr, des ponts entre générations, de la parole qui s’en va trop tôt, tout ça…
Poignant de vérité ! Que les personnages soient ou non sortis de l’imagination de l’auteure ne change rien à l’affaire, c’est une histoire triste et comique à la fois, comme la vie, pleine de respect, où le dérisoire de notre condition se mêle à l’évocation de la puissance des mots. Leur importance, on en prend conscience à mesure qu’ils disparaissent ou se transforment, au gré des bugs de l’esprit chez une vieille dame aphasique…

Bien sûr chaque personne est unique mais je suppose que chaque lecteur se projettera à sa façon, et en concevra pour lui et les siens de puissantes méditations…
Je l’ai fini ce matin à la première heure, je suis encore sous le choc. Qu’il est beau ce livre !

Oui quand les mots s’en vont
Remontée du tréfond
Surnage l’émotion…

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Marie est appelée d’urgence un jour par une employée de la téléassistance : Mme Seld, une vieille femme sur laquelle elle veille et chez qui elle se rend régulièrement pour voir si tout va bien, a demandé de l’aide. Depuis le matin, elle a peur de se lever et de tomber et elle n’a rien bu ni mangé de la journée. Après avoir appelé le médecin, Marie se rend immédiatement chez son ancienne voisine qui s’est occupée d’elle pendant son enfance. Effectivement, Michèle Seld dite Michka va devoir entrer dans un EHPAD: vivre seule n’est plus possible pour elle.
Cette femme intelligente et cultivée qui était correctrice dans un grand journal est victime d’aphasie : elle perd ses mots, les remplace par d’autres ou par le silence. Marie souffre terriblement de voir se dégrader si vite cette amie qu’elle aime tant.
Dans cet EHPAD, Michka sera prise en charge chaque semaine par un orthophoniste, Jérôme, qui tentera de rééduquer son langage grâce à différents exercices auxquels Michka aura bien du mal à se soumettre. En revanche, elle aimera parler avec Jérôme de sa vie à elle, mais aussi de celle du jeune homme, en conflit avec son père…
« C’est un beau roman, c’est une belle histoire » comme dirait l’autre… Oui, assurément, c’est un beau roman plein de bons sentiments, de gens gentils, attentifs, dévoués, à l’écoute des autres, prêts à aider, à donner de leur temps et de leur personne pour le bien-être d’autrui.
Comme j’aimerais vivre dans ce monde…
Mais je ne suis pas sûre que dans les vrais EHPAD tout le personnel soit toujours aussi attentif au bien-être de chacun.
Je ne suis pas sûre que dans les vrais EHPAD les vraies directrices prennent soin de demander à leur personnel d’éviter de commettre la moindre maladresse risquant de vexer les patients, ou, si elles le font, que ces recommandations soient toujours suivies d’effets.
Je ne suis pas sûre non plus que dans les vrais EHPAD, les vrais orthophonistes aient la délicatesse de profiter de quelques jours de vacances pour aider des patients à rechercher des gens qui leur sont chers et reviennent en disant à leurs malades qu’ils leur ont manqué.
Non, lorsque j’y suis allée, dans un vrai EHPAD, j’ai vu des personnels en nombre très insuffisant, complètement débordés, et donc pas toujours susceptibles d’être suffisamment attentifs aux besoins des patients. Osons dire la vérité. J’y ai vu des personnels chaque jour différents, ce qui rendait un vrai suivi du résident bien difficile. J’y ai vu aussi des gens souffrant de la maladie d’Alzheimer qui auraient eu besoin d’être sans cesse sollicités, stimulés, dynamisés. Or, ce n’était pas le cas.
Alors, oui, c’est une belle histoire, oui j’aurais aimé y croire, oui j’espère que de belles personnes, comme on dit, existent à travers le monde (et ce doit être le cas) mais, hélas, non, je n’y ai pas cru, et cette histoire, aussi belle soit-elle, ne m’a donc pas touchée. Je l’ai lue de loin, imaginant que peut-être Marie et Jérôme allaient un jour tomber amoureux l’un de l’autre… Vous voyez, j’étais sur les rails… Ils sont tellement mignons tous les deux, à la fin du roman, reprenant, avec beaucoup de tendresse, les lapsus poétiques de leur Michka… (Encore un procédé qui m’a semblé très artificiel.)
Oui, j’imaginais tout cela, perdue dans ma rêverie, et peut-être aussi qu’un jour, Jérôme enverrait une lettre à son père en pensant à Michka… Ce serait tellement beau…
Mais, après tout, la littérature a droit aux bons sentiments, non ?
Sans doute, mais au-delà d’une certaine dose, elle n’est plus pour moi… Eh oui, je ne suis pas très « feel good »…
Allez, je repenserai tout de même encore à cette belle histoire quand j’irai voir mon père dans son EHPAD, emmuré, le regard vide, dans son silence et sa solitude.
Histoire de rêver un peu…

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« Franchement, compte-tenu des circonflexes, une petite cigarette, ce ne serait pas du fluxe. »

Michèle Seld, dite Michka, doit entrer en maison de retraite, elle « perd ». Elle perd dans toutes les acceptions du mot, elle qui vivait essentiellement pour eux : aphasie. Ça lui provoque une panique l’empêchant de vivre seule. Marie, la jeune voisine dont elle s’est beaucoup occupée et Jérôme, l’orthophoniste de l’établissement se succèdent à son chevet, tentant de repousser la perte totale. Tous trois ont à coeur de pouvoir exprimer une gratitude…
J’ai débuté ce roman avec envie, comme à chaque fois que Delphine de Vigan écrit quelque chose. Tout de suite, la mémoire du « Merci » de Pennac et l’univers proposé (vieillesse, maison de retraite…) m’ont gênée aux entournures et c’est avec beaucoup plus de retenue que j’ai poursuivi ma lecture, pour me retrouver finalement avec un sourire amusé plus souvent qu’à mon tour et terminer le tout les yeux gravement embués. Michka nous prend dans ses filets et c’est impossible de résister au charme de la dame. Un roman tendre et attachant.

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