Éprouvé, bouleversé, exsangue. C’est ainsi que l’on ressort de cette lecture. Olivier Adam nous conduit dans les méandres d’une histoire intime, au plus profond d’une forêt intérieure. Au moment où sa vie vacille, où sa vie de famille éclate et où ses parents font l’expérience de la vieillesse, le narrateur, dont on comprend vite qu’il a tout de l’auteur, revient sur les pas de son histoire, à la recherche de ses origines.
Où sont passés les compagnons de jeunesse ? Que sont devenus les gamins des banlieues ? Du bar du bout de la rue au supermarché du coin, de l’appartement d’une ancienne copine aux couloirs d’un hôpital, Olivier Adam se cherche et cherche les racines du mal qui le ronge : la dépression, étonnamment impossible à nommer.
Mais bien plus qu’un homme brisé en proie aux doutes, Olivier Adam dépeint un système économique qui broie la force de travail, une société à bout de souffle, succession de destins écorchés. Il signe une réflexion bouleversante sur l’héritage, le capitalisme, l’ascension sociale et la lutte des classes, la crise économique, le chômage et la dépression, les déclinaisons de l’amour – d’une femme ou d’un enfant, d’un parent ou d’un frère.
Certes, il dresse de cette société un portrait sans concession, qui transpire la désillusion, mais cette exploration aux racines de l’histoire et de l’intimité des souffrances, cette sincérité et cette justesse font écho en nous. Car à travers les petites gens auxquelles il donne voix, ce sont les fondements de la société qu’il questionne. Une société, des hommes et des femmes à la périphérie des villes, aux portes du succès et du bonheur ; en marge du monde, à la lisière d’eux-mêmes.
Quant au narrateur, lui aussi se cherche jusqu’au bout du monde, jusque dans un Japon idéalisé, dans tous les finistères qui soient. Une quête en forme de fuite, car dans cet univers les lisières sont partout et le centre ne semble être nulle part. Un roman aux couleurs d’une société malade, aussi sombre et dense qu’une forêt, mais où transperce malgré tout, entre les feuillages épais, quelque chose d’éblouissant.