Il se perd, cet homme, en Inde. Cet homme dont on ne sait rien, sauf qu’il a violemment aimé, voilà des années, une femme nommée Joy Archer. Elle vivait en Inde et il l’avait rencontrée par hasard au cours d’un voyage. S’il n’a rien oublié de leur passion fulgurante, il n’avait plus eu de nouvelles d’elle jusqu’à cette lettre énigmatique qu’elle lui a envoyée il y a peu. Alors il est parti à sa recherche. Mais qui est, au fond, Joy Archer ? Le narrateur se fait enquêteur, archéologue aussi, penché sur les vestiges de leur amour. Ambiance moite, mystères opaques, incertitude et irrésolution, la première nouvelle de ce recueil nous plonge dans ce qui fait l’essence même de l’écriture de François Emmanuel. Une écriture que l’on pourrait qualifier de proustienne si le terme n’avait pas été si galvaudé. L’auteur de « La question humaine », de « Regarde la vague » ou encore du « Vent dans la maison » prolonge ici un propos entamé dans des textes précédents, notamment dans « Cheyenn », paru en 2011 : la disparition.
Disparition des êtres aimés que l’on n’a pas assez questionnés et qui nous laissent, pour l’éternité, en proie à nos doutes, nos interrogations, nos remords. Dans la deuxième nouvelle, un homme reçoit un curieux message signé du mari d’une ancienne amante : il le convoque, littéralement, et veut le rencontrer pour parler d’elle, dont on ne saura que la première lettre du prénom, L., elle qui a disparu. La dernière nouvelle est peut-être la plus riche de ce recueil auquel d’ailleurs elle donne son titre. Un grand écrivain de langue espagnole vient de mourir. Dans sa maison au bord de la plage, fermée comme un bunker, s’affrontent sa deuxième épouse, la superficielle et médiatique Maria Tarai, et sa fille Xénia, beauté mystérieuse et intense. Le narrateur se déplace comme une ombre dans les corridors de la maison. Il est le secrétaire du grand écrivain, et à ce titre connait ses secrets les plus intimes. Mais que doit-on trahir pour rester fidèle ?
François Emmanuel nous touche au plus profond de nous-mêmes, faisant surgir des images, des émotions, par une phrase qui cherche à être au plus près des sensations, s’éloigne en digressions pour, toujours, trouver le mot juste.