Ce sont des gens dont on croise le regard une fraction de seconde, et cela ne va guère plus loin. Ces gens, ce sont les inconnus des salles d’attente. Sur l’espace d’une vie, on en croisera cent ou mille et ils resteront à jamais réduits à la couleur d’un regard, au choix d’un magazine et au son d’une voix. Mais à Grenoble, un jour, la Fortune fixe un clou à sa roue: un tramway déraille. Catastrophe. Le quartier est plongé dans le noir. Panne d’électricité généralisée…Et chez Monsieur Vignier, psy de son état, c’est la panique. Lui, on ne sait pas où il est passé. En revanche, François, Gabriela et Hervé sont bien conscients qu’ils sont bloqués pour un paquet d’heures dans son cabinet. Plus question de se laisser réduire à un regard ou à une voix. Il faut gérer l’urgence.
Tom Noti aurait pu s’engouffrer dans la facilité en développant le burlesque de la situation. Il ne l’a pas fait même si certains moments sont franchement hilarants. Au fur et à mesure qu’ils se parlent, s’écoutent, se heurtent, se sourient, cherchent des solutions, ses trois héros montrent une épaisseur psychologique qui leur confère beaucoup d’humanité. Jusque dans leurs petites faiblesses, ils sont attachants. Au détour d’une conversation, l’Histoire, dans ce qu’elle a de plus sombre, les rattrape et l’émotion surgit, légère, subtile. Ces trois-là reprendront le cours de leur existence, plus neufs, plus sereins et nettoyés de leurs interrogations. Ce que Monsieur Vignier n’aura pas réussi, une panne de courant l’aura fait.
Les naufragés de la salle d’attente est un roman faussement léger. Quand il nous fait sourire, c’est pour mieux anticiper et aborder l’instant de gravité qui va suivre. Une jolie découverte