Les internautes l'ont lu
Vous le savez, j’aime découvrir des plumes de mon plat pays car en Belgique cela foisonne, des auteurs on en a beaucoup. C’est le quatrième roman de Viktor Lazlo, celui avec lequel je découvre sa plume. J’ai fait un très beau voyage en sa compagnie. Le roman s’articule autour de trois personnages centraux. Fleur Desvérieux Gaudrèche va bientôt avoir cent ans. Elle a vécu sa vie à Fort de France en Martinique. Elle décide d’écrire un journal pour transmettre à son fils Pipo, espère -t-elle, l’histoire de sa famille. Une confession épistolaire qui revient de manière récurrente dans le roman. C’est peut-être un seul bémol car ce personnage est celui qui m’a le moins convaincu. Entre ces lettres, l’auteure utilise une double narration par le biais des ancêtres de Fleur ; Yamissi et Ephraïm, et Josefa (sa mère) et Samuel. Yamissi dont le destin au départ m’a un peu fait penser à « Bakhita ». Elle est enlevée dans son village, a emprunté le dernier bateau négrier « Le Daomé » en 1867. Elle arrive à Santiago de Cuba et est achetée par Ephraïm Sodorowski, un juif polonais exilé – marchand d’esclaves. Quarante ans plus tard Josefa rencontrera à Dantzig, Samuel Wotchek, un anarchiste juif. Ils quitteront Dantzig pour s’installer en Martinique. Destins croisés de deux familles qui portent en elle l’Histoire, celle de l’esclavagisme, du poids à porter sa couleur au début du siècle, du racisme, du regard et rapport de la société, mais aussi celle de la révolution polonaise, de la montée du nazisme, de l’occupation allemande, de la Shoah. L’errance de deux peuples, mais aussi la séparation des familles, le besoin de se replonger dans ses racines et d’en supporter le poids. On voyage d’une famille à l’autre et dans le temps, l’arbre généalogique en début de volume est bien utile et permet de se repérer. L’écriture est soignée. J’ai passé un bon moment de lecture. Ce fut une découverte très instructive. Ma note : 7.5/10 Les jolies phrases Les regrets sont un maigre recours quand la culpabilité ronge le coeur. Elle voulait jouer, rire et s’ébattre avec les garçons sur les rives sableuses de l’Oubangui, elle ne voulait pas être une femme puisqu’elle n’avait pas encore fini d’être une enfant. Et quand il joue de son violon, c’est une vallée tout entière qui coule de son instrument, une vallée heureuse et triste. Samuel est un poète, un rêveur, un enfant, mais pas un homme. Le regret est une victoire, Ephraïm. Puisque aucun être humain n’est parfait, chacun de nous doit porter un regard critique sur ces actions et c’est ce que tu es en train de faire. Tu me l’as souvent répété, je ne suis qu’une négresse qui vit dans la maison d’un juif. Deux parias qui s’appartiennent l’un à l’autre, ne sont-ce pas là tes mots ? Deux errances, deux solitudes qui s’étaient trouvées vingt ans plus tôt et avaient inventé un possible, voilà ce qu’ils étaient, ce qu’elle avait voulu qu’ils soient et qu’ils demeurent. Car sa mémoire à elle avait voulu qu’ils soient et qu’ils demeurent. Car sa mémoire à elle ne pouvait s’apaiser qu’au regard de ce qu’ils avaient construit. Tu as raison, Malavita, je suis un lâche. Et devant toi, je n’ai jamais pu me cacher. Tu sais de moi des sentiments que j’ai oubliés. Tu as réussi en quelques années à réhabiliter à mes yeux une race d’hommes que je ne voyais pas. Vous étiez transparents. Utiles et transparents. Ta seule présence a rendu à tous ces pauvres gens que j’ai traités moins bien que du bétail une existence visible. Parce que tu n’as jamais été invisible. J’aurais dû m’en douter quand je t’ai achetée et peut-être l’ai-je toujours su. Vois-tu, Malavita, on ne peut vivre en paix avec un passé aussi laid. Tout ce que j’ai détruit sur ma route me poursuit inlassablement. Je suis et serai éternellement un homme en fuite. Un juif errant. Même si je me suis éloigné de mon culte, même si je m’en suis bien sorti, au fond de moi subsistent la honte, la persécution. Seule ta présence me soulage. Seule ta présence… Mademoiselle, osez vivre dans cette société qui ne claironne pas votre bienvenue, qui refuse de vous faire sentir que vous lui appartenez. Ne lui appartenez jamais, servez-vous d’elle. Je vous parle ainsi parce que vous êtes intelligente. Les femmes sont tellement éloignées de la bêtise des hommes ! C’est le mode de vie de nos ancêtres, la peur qu’elles inspirent aux hommes qui les a confinées dans la sottise, pas leurs gênes!. Retrouvez Nathalie sur son blog |
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