Edna O’Brien sait depuis « Les filles de la campagne », paru en 1962, nous raconter l’Irlande et ses habitants. Elle a cette fois-ci légèrement déplacé son sujet et elle le fait d’une manière remarquable.
Dans une toute petite ville irlandaise, la vie s’écoule paisiblement voire de façon ennuyeuse pour ses quelques habitants, les habitués du pub, le prêtre et les quatre nonnes.
Ce bel équilibre va être perturbé par l’arrivée d’un mystérieux inconnu qui se dit médecin guérisseur et décide de s’installer à Cloonoila. Son allure (barbu, avec un long manteau noir et des gants blancs) et son charisme ont vite fait de charmer les dames du village. qui reviennent toutes émoustillées de ses consultations.
Fidelma, très belle et mariée à un homme beaucoup plus âgé, se désespère de ne pas retomber enceinte après deux fausses-couches. Elle aussi ira consulter le docteur Vladimir pour lequel elle ressent une attirance très forte. Elle finira même par le persuader de devenir son amant pour être à nouveau enceinte.
Vous l’aurez compris, le Dr Vladimir est devenu la coqueluche de toute la ville. A quelques kilomètres de là se trouve un château hôtel-restaurant où travaille un jeune homme, Mujo, quasi-muet depuis qu’il a réchappé aux massacres dans sa ville d’origine, Sarajevo.
Un soir, alors que Mujo sert à table, il reconnaît parmi les convives, en la personne du Dr Vladimir, le « monstre de Sarajevo », celui qui a ordonné l’épuration ethnique, le fameux Vladimir Dragan, recherché par toutes les polices.
Les habitants de Cloonoila assisteront médusés à son arrestation et découvriront horrifiés à la télévision qui était réellement le Dr Vladimir. Ce sera un terrible choc pour Fidelma, qui se sait enceinte. Elle ne peut supporter d’avoir aimé cet homme, de porter son enfant.
Elle s’exilera à Londres, tentant de survivre au milieu d’autres déshérités et malmenés par la vie. Elle aura le courage d’affronter la véritable personnalité de ce Dragan en assistant à son procès à La Haye.
Edna O’Brien dresse là un beau portrait de femmes et rend également hommage à toutes celles qui, réfugiées, exilées, mutilées tentent de survivre au quotidien.
Elle nous fait également toucher du doigt ce terrible génocide que fut la guerre civile en Bosnie et que tout le monde semble avoir aujourd’hui oublié.
Le choix du titre n’est pas anodin : « Le 6 Avril 2012, pour commémorer le vingtième anniversaire du début du siège de Sarajevo par les forces serves de Bosnie, 11 541 chaises rouges furent alignées sur les 800 mètres de la grand-rue de Sarajevo. Une chaise vide pour chaque Sarajévien tué au cours des 1425 jours de siège. 643 petites chaises représentaient les enfants tués par les snipers et l’artillerie lourde postés dans les montagnes à l’entour. »