Thomas Bentley apprend le jour de son quatorzième anniversaire, de la bouche de sa mère, que son père n’est pas son père. Il est des cadeaux plus « cools ». Dans un premier temps, de manière instinctive, le besoin de maîtriser ses racines pousse Thomas à questionner sa mère qui soutient ne garder aucun souvenir de ce père absent, à chercher la vérité, à fouiller le passé de sa mère aussi bien que celui de son père adoptif. Puis, la survie primant sur le reste, Thomas met de côté ce passé mystérieux pour se consacrer sur les vivants.
Les aléas de la vie, parmi lesquels les hasards d’une rencontre, les aveux involontaires d’un tonton, une exposition photo, des retrouvailles inespérées, vont provoquer la résurgence du passé de Thomas et la découverte d’une nouvelle famille et d’une nouvelle histoire : celle de son père et donc la sienne. Un père photo-reporter de guerre qui a bourlingué sur le globe à la recherche d’une sorte de vérité sur les hommes.
Philippe Beyvin joue certes sur quelques coïncidences fortuites qui peuvent paraître se télescoper un peu arbitrairement mais ce ne sont que quelques artifices bien innocents pour que tout se mette en place. Le reste n’est que sensibilité, habileté, humanisme, mis au service d’un récit touchant autour d’un fils à la poursuite de son passé pour mieux se construire un avenir.
Cela semble bâteau de ma part d’écrire cela comme ça, mais Philippe Beyvin le fait avec un naturel et une simplicité emprunts de délicatesse. Il y a une sorte d’évidence et de limpidité dans l’écriture de Philippe Bayvin qui, grâce lui soit rendue, ne cherche jamais à en faire trop, ni dans le pathos ni dans l’excès de sentiments, ni d’ailleurs dans un style qui serait trop alambiqué, trop adjectivé.
Est-ce parce que Philippe Beyvin, directeur de collection dans une maison d’édition, voit passer tant et tant de manuscrits, publie tant et tant de livres et passe une partie de sa vie à lire ? Cette culture n’est pas étrangère aux qualités narratives de ce récit intense qui fait d’incessant allers-retours des années 60-70 aux années 80-90 sans jamais perdre ni ses lecteurs ni ses protagonistes.
Philippe Beyvin a une culture littéraire soit mais il a aussi et surtout une culture tout court. Thomas Bentley va plonger dans les années de jeunesse de sa mère, à la recherche de nouveaux repères pour comprendre l’attitude de sa génitrice, pour vivre les années 60-70 par procuration, pour les appréhender à travers la production cinématographique de cette période (Antonioni, la Nouvelle Vague) et à travers la figure du photo-reporter. Par opposition, Thomas Bentley est en prise directe avec sa propre génération, celle qui a vécu l’attentat du RER à Saint-Michel. Philippe Beyvin boucle d’une certaine manière la boucle.
La figure du photo-reporter, symbole d’un héroïsme du XX° siècle qui a un peu disparu, fait le lien entre les deux époques et matérialise le besoin de mémoire de Thomas et celui d’une société qui vivait les événements essentiellement à travers le travail des photos-reporters.
Philippe Beyvin possède donc un double talent : non seulement il sait parfaitement structurer sa narration et construire son histoire mais en plus il sait parfaitement instiller tout ce qu’il faut d’humanité dans son écriture. Excellent éditeur et maintenant excellent écrivain…