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coup de coeur
Mailloux l’emmardeur…
«… ah la vie, disait-elle, ah oui la vie, disaient-elles. » Lire Mailloux, c’est plonger tête la première dans Rabelais, Jarry, Renard et Beckett. Sans oublier Jean-Jacques… C’est du lourd dirait l’autre. Du vrai ! L’enfance de Mailloux, « dehors tout le temps », s’échappant à quatre pattes du traîneau que ses parents tiraient, direction opposée, c’est l’enfance du pisseux, du « mardeux » qui invente une histoire les pieds en l’air « pour faire descendre les mots » : « il faut seulement se mettre en position instable pour que les mots on les entende mieux » confie-t-il à son copain avec lequel il compte écrire une petite saynète. Les mots de Mailloux sont dans l’ordre où ils sont, comme ils sont, bruts, grossiers, entrechoqués, accumulés. Ils disent le vécu du gamin, la violence de la honte, la recherche du plaisir, l’omniprésence de la mort. Ils crachent, vomissent, se tiennent mal et vous sautent au visage dans un rythme insensé, ivres de vie, fous d’existence et de rage. Ils disent la vie de Mailloux, emmêlés, empêtrés et jaillissants. Sublime torrent bouillonnant et grondant auquel il faut accepter de s’abandonner pour y goûter, admettre d’être secoué, propulsé dans ce flot de paroles débridées à la syntaxe disloquée mêlant argot et mots québécois, brouillant les niveaux de langue. Il faut aimer jouer, s’amuser, être ouvert à une parole qui vient vous bouleverser… L’enfance drôle et cruelle de Mailloux… Il sort de la piscine « une motte de merde plus dense que la roche » dans le maillot, et celle-ci sort sous le regard écoeuré du grand Gagnon qui « voit sans croire ce que Mailloux laissa, la motte luisante sous le couchant » et qui demain dira aux autres. Honte absolue de l’enfant. Il est « un Mailloux qui pue… sans doute une merde lui-même ». Le Gagnon en parle chez lui, qu’est-ce que tu crois, dit le père philosophe, « tout le monde c’est des pleins de marde ! Une bonne pluie, c’est ce qui faudrait pour nettoyer toute la marde que les pleins de marde ont chiée à terre partout où qu’ils passent. » Et puis Mailloux veut être dehors, le sirop de la rue, mais « Parfois pressé on n’avance pas. On est Jacques Mailloux bloqué dans le proute, dans l’empêchement qui est. Je voulais souvent partir jouer. D’aussi loin que je me rappelle j’ai toujours voulu partir. » Le père le rappelle pour une réparation électrique longue et impossible qui se termine par une punition, enfermé le Mailloux, enfermé ! La mère Mailloux, « la mère monstre » dit au père : « Il se pisse dessus la nuit. Il va nous tuer. Père Mailloux, bats-le ! » Il obéit, le père Mailloux, frappe le fils avec le tue-mouche, la ceinture, un gros morceau de bois. Rien n’y fait. Tous les matins la machine tourne avec les draps dedans. « Qu’il parte au camp, ça va reposer la machine ». C’est une idée. La corde à linge fait du bruit, les passants voient le linge. « Ta maison ne peut rien garder secret car ta rage est trop aiguë », Mère Mailloux. Ces objets « signifient » et disent ta haine. Le sais-tu ? Et sa honte ? Y penses-tu, Mère Mailloux, y penses-tu à « la tristesse malade de la honte… qu’on appelle le malheur. » ? Quelques moments d’oubli, « les veillées d’embouchure » avec les filles (si certains ont besoin d’une traduction, qu’ils lèvent la main…), les dimanches « d’ennui de juillet » dans l’arbre mort à dire les noms, à les gueuler au vent et à la terre, les pieds dans la boue au bord du ruisseau, la pêche au chat mort et son enterrement, les jeux sur la glace dans la région du Saguenay, ces moments heureux de l’enfance de celui qui dit « je voudrais une éponge de nuit sur mon tourment » Une œuvre majeure d’une force sidérante et d’une poésie insensée, un texte théâtral que l’on a envie de dire et de redire tant les mots ont de puissance. Encore les mots du songe de Mailloux : « J’ai la teneur de la boue. Je vois tous les mots. Je les vois m’embrunir d’incompréhension face à l’empêchement qu’ils font de moi. Je suis la colline désolée. La teneur de la boue m’a. » Maux de l’enfance… Retrouvez Luci-lilas sur son blog |
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