Propos liminaire #1 : ce billet est né sous le signe de la chanson, je vous laisse chercher les quelques références qui s’y sont glissées.
Propos liminaire #2 : je sais ce que vous allez me dire : « Encore un billet positif et de complaisance sur un livre paru chez Rue des Promenades ! ». Et vous auriez tort. En tout cas pour le « et de complaisance ». Certes je n’ai jamais dit de mal de Charlotte et de ses protégés. D’abord parce que j’aurai été bien en peine de le faire au vu de la qualité des ouvrages (aussi bien au niveau du texte que de l’objet, cet éditeur sachant définitivement faire en sorte d’obtenir l’objet « livre » qu’il souhaite, travaillant la couverture, le texte, la mise en forme et les petits à côté de l’édition – je pense à l’apport sur certains livres (mais pas celui-ci) de dessins réalisés spécifiquement pour le livre – pour obtenir à chaque fois un petit diamant brut). Ensuite parce que je préférerai me taire que d’en dire du mal.
Ceci étant posé, attaquons-nous à Mathilde puisque la v’là… Mathilde est une jeune parisienne travaillant en cabinet d’architecte, mariée à Jérôme, un jeune parisien travaillant dans une agence immobilière. C’est d’ailleurs par ce biais, quand Mathilde cherchait un logement, qu’ils se sont connus. Ils se sont connus, ils se sont perdus de vue, se sont reconnus… et ont fait un petit tour(billon) de la vie qui les a entraîné, ensemble, dans une valse à mille temps jusqu’à la naissance de Louis, enfant roi qui porte bien son nom, ciment a priori ferme et définitif du couple. Pas si définitif car Mathilde va quitter homme et enfant pour s’échapper. Je ne vous dirai pas pourquoi elle part, je ne vous dirai pas pourquoi elle revient, je ne vous dirai rien, sur l’histoire.
En quatre temps trois mouvements (ou trois temps quatre mouvements, peu importe), Grégory Nicolas dépeint les sentiments humains avec une palette digne du plus grand peintre, mélangeant couleurs chatoyantes et zones d’ombre, lumières et ténèbres, passions et tensions, joies et peines, vérités et mensonges…
Il commence par la vie de couple et la naissance de Louis. Traitée à la troisième personne, cette partie prend le lecteur à témoin, de façon externe et donc normalement neutre : ce n’est le récit de personne en particulier, juste d’une entité familiale soudée, au moins selon les apparences. Il enchaîne ensuite avec le récit de Mathilde puis celui de Jérôme, écrits à la première personne avec en prime, dans celui de Jérôme un « tu » qui s’adresse à la meilleure amie de Mathilde et qui va plus loin que le récit de Mathilde : celle-ci ne chercher jamais à se justifier de sa fuite tandis que Jérôme recherche continuellement l’approbation de l’autre (amie ou lecteur). Mathilde est forte dans sa tête tandis que Jérôme est faible, se laisse aller. La dernière toute petite partie, elle ne fait que deux pages, est réservée à Louis, dont la voix n’est jamais prépondérante dans le récit, où se joue pourtant la vie de couple de ses parents et donc sa vie de famille, alors qu’il y a une présence physique de premier plan.
Louis apparait, avec ses problèmes de santé, comme un révélateur des propres faiblesses du couple et de chaque individu qui le compose. Personnage le moins « actif » dans l’histoire, Louis est pourtant la clef de voûte du récit de Grégory Nicolas : celui par lequel la rupture arrive tout autant que celui pour lequel l’intrigue se noue et se dénoue.
Quand vous avez adoré le premier livre d’un auteur, l’attente suscitée par cette première production rend l’attente de la deuxième lecture plus stressante et plus longue. Quand la seconde lecture vous emmène plus loin que la première, que dire de la troisième que vous attendez et redoutez à la fois ? C’est avec une dose certaine d’impatience et un certaine dose de stress que je me suis lancé dans ce « Mathilde est revenue ».
Mais Grégory Nicolas est une fois de plus au rendez-vous de ses promesses. C’est avec toujours la même sensibilité qu’il aborde les thèmes de la transmission, des non-dits, des faux-semblants (chaque personnalité se révélant plus complexe que la présentation vernissée réalisée par le narrateur de la première partie), des mensonges et des intentions qui se cachent parfois (souvent ?) derrière, de l’égoïsme et de l’égotisme des êtres humains. Cette liste à la Prévert sonne comme une liste à la Baudelaire : pleine de spleen. Mais tout comme Baudelaire a su fantasmer ce spleen à travers la poésie, Grégory Nicolas, dans un tout autre style, transcende ces plus ou moins petites/grandes turpitudes à travers le prisme de l’accomplissement de soi, objectifs certes communs mais antinomiques ou antagoniques poursuivis par Mathilde et Jérôme, au détriment de Louis. La quête du bonheur serait-elle pavée de mauvaises intentions ?
J’espère en tout cas que votre cœur s’emballera comme le mien et celui des chroniqueurs du site Addict-Culture.