Mère d'invention
Clara Dupuis-Morency

Contre allée
la sentinelle
juin 2020
256 p.  18 €
 
 
 
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coup de coeur

L’auteure de sa vie

Ce roman oscille entre l’autofiction et l’autoréflexion, le « work in progress » et le journal intime de l’auteure, doctorante québécoise travaillant sur l’œuvre de Sebald. Il commence par un avortement et se termine par une triple naissance : celle de ses jumelles et du livre que le lecteur tient entre ses mains. Il s’agit ici d’« apprendre à finir », dans le sens d’un accomplissement. Mais en finir avec le fœtus est un point de non-retour. Même si la jeune femme ne remet pas en cause son droit à l’avortement, elle ne peut s’empêcher de le considérer comme un terrible geste d’« inhumanité ». Elle raconte ce traumatisme dans une lettre à l’enfant qui n’est pas né, et l’avantage donné à sa thèse, comme si la concomitance des deux était impossible ; le « fils sacrifié », la thèse peut être menée à son terme. Clara Dupuis-Morency établit ainsi un lien entre le corps et l’esprit, entre la pensée et l’organique, l’écriture et le langage physique ; les menstrues jalonnent la temporalité féminine, le sang de la fausse couche médicamenteuse expulse l’embryon. Lorsque le désir d’enfant est là pour de bon, la jeune femme apprend un nouveau langage, celui du corps qui change et des tests de grossesse à interpréter. Cette fois il y a deux embryons, la thèse se termine, le livre s’écrit, et l’enfant avorté hante les pensées : c’est beaucoup pour une seule femme, aussi est-il urgent de se délester sous peine d’un empoisonnement intérieur. Une fois la thèse soutenue, les jumelles naissent, et l’enfant premier vit dans le récit. La maternité peut s’accomplir, prise dans le quotidien, dans le réel indissociable du roman en train de s’accoucher. Dans ce très beau récit intimiste et féminin, le langage s’écoule comme un fluide et nous porte vers l’avant, dans une réflexion féministe en constante élaboration.

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