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C’est un récit atypique et non un roman. Alain Berenboom nous conte ici l’histoire de ses parents sous forme de chroniques, comme un greffier. Lui, le parfait petit belge que ses parents souhaitaient parlant français et néerlandais, ne comprenant pas le yiddish, ni le polonais, va dix ans après la mort de ses parents par le biais d’une boîte d’archives reconstituer petit à petit son histoire, sa famille, son identité. A l’aide de photos, de courriers traduits patiemment, il va retracer ses origines, ses ancêtres, les douleurs et déchirements, la personnalité de son père et nous faire par la même occasion revivre en filigrane un morceau de l’Histoire. C’est un magnifique hommage à son père. Chaïm Berenbaum est né dans un shetl près de Varsovie en 1907. Il arrive en Belgique en 1928 pour y effectuer ses études de pharmacie. Il rencontrera Rebecca dans son officine. Ils se marieront au début de la guerre. Ils s’installeront à Bruxelles, ouvriront une pharmacie et élèveront leur fils Alain comme un vrai belge. Malgré les épreuves de la vie, Chaïm a toujours fait preuve d’optimisme d’où son surnom. On parcourt son arrivée en Belgique, ses études à Liège, son parcours d’assistant magicien, sa sœur Esther, sa rencontre avec Rebecca, son mariage au tout début de la guerre, leur voyage de noces mais aussi le registre des juifs en 1940, la mention de juif sur la carte d’identité, l’étoile jaune, la privation de travail, la caserne Dossin à Malines, antichambre des camps d’Auschwitz et Birkenau , son changement d’identité : Janssens (ses liens avec Tintin), son parcours dans la résistance, son intégration et la volonté de devenir belge à tout prix , la dualité d’Hubert reniant sa religion et sa langue pour devenir belge mais aussi sa demande d’immigration en Israël, son admiration pour les Kibboutz , la lecture de la bible, la naissance d’Alain, la pharmacie …. L’histoire est passionnante. Alain Berenboom nous la livre comme un greffier enregistrant chaque élément glané pour reconstituer le puzzle de l’histoire familiale. C’est avec beaucoup d’humour, profond et léger à la fois qu’Alain Berenboom retrace cette quête d’identité . Un récit que j’ai vraiment apprécié, très agréable lecture. Ma note : 9/10 Les jolies phrases La politique, ce n’est pas une bonne affaire pour les Juifs ! C’est un très mauvais investissement qui ne rapporte que des misères ! Regarde ce qui est arrivé à ceux qui s’y sont frotter en Russie. On croit fuir le diable et l’on se jette dans ses bras, parce qu’il est déguisé en mouton. Le voyage de noces eut lieu quelques semaines après le mariage. Un voyage un peu improvisé. Avec les allemands en guise d’accompagnateurs, qui n’avaient pas encore acquis les bonnes manières de Neckermann. Il n’y a que sur la chair à canon que la mention de la race n’est pas inscrite. Dans un roman policier, il suffit à l’auteur de donner un coup de pouce à l’histoire, de nourrir ses personnages pour justifier le dénouement qui les attend et qui a déjà fabriqué dans sa tête. Rien de pareil pour l’enquêteur scrupuleux. Pour mettre au jour la vérité, j’ai décidé de m’en tenir aux rares faits que j’ai pu glaner. Rien qu’aux faits. Et tant pis s’ils sont ténus et parfois incroyables. De temps en temps, j’ai l’impression que mon récit est dans une impasse : les témoins sont tous morts aujourd’hui, mes parents ne m’ont guère parlé de leur vie, leurs amis refusaient d’évoquer le temps de la guerre. Quand je suis sur le point de renoncer, en me maudissant d’avoir tant attendu, je me rassure en pensant que les anthropologues parviennent à raconter par le menu l’histoire des premiers hommes (et des premières femmes) rien qu’en examinant un os de leur mâchoire. En saurait-on plus sur Lucy que sur monsieur et madame Berenbaum ? Allons ! Alors je me remets au travail. Ne suis-je pas le fils de monsieur Optimiste ? L’absence peut être plus terrible que la vue d’un cadavre. Parce qu’elle réveille des peurs ancestrales irrationnelles, l’intervention de forces maléfiques qui n’ont plus rien d’humain. Là où quelques jours auparavant habitait un Lévy ou un Goldstein, un autre nom était inscrit sur la sonnette comme sur l’enseigne de leur magasin. Oui, il y avait bien eu un Lévy ou un Goldstein, même si le voisinage en niait l’existence. Si la mort existait, qui pourrait encore croire en Dieu ? Honorer un Dieu qui aurait assassiné des milliards de créatures juste parce qu’Adam et Eve ont boulotté quelques fruits de son jardin ? A propos d’ancêtres, je me demandais également si, au temps des cavernes, il existait déjà une différence entre les Juifs et les autres. Sacrée interrogation à laquelle Paris Match ne donnait pas de réponses : comment distinguer par exemple un néandertalien israélite de son cousin goy ? Pour l’Homo Erectus, en revanche, je commençais à avoir quelques idées sur la question. Chaque détail forme une pièce de paysage qu’elle trace de son plus beau pinceau de lettre pour qu’il ne s’efface pas de leurs mémoires. Alain devait devenir un vrai petit Belge, le magnifique rejeton de leur parfaite intégration. Il fallait effacer le monte d’avant, repartit d’une page blanche! Mourir pour mourir, il préférait choisir son destin. Il n’y avait pas que des Juifs à Makow. Le shtetl était aussi envahi par les poux et les puces. On ne s’en plaignait pas, si cela éloignait les Polonais ! Les poux et le puces sont autrement plus tolérants que les antisémites puisqu’ils ne font aucune distinction entre les hommes et les animaux! La vie d’une jeune et belle femme dans un petit bourg polonais au début du XX e siècle ne devait pas être plus sexy que celle d’une jeune et belle femme dans un petit bourg iranien ou pakistanais un siècle plus tard – ou dans les quartiers orthodoxes de Jérusalem de nos jours. Un monde inconnu émerge. Tels ces bougres recouverts par les eaux d’un barrage, qui réapparaissent à l’occasion de travaux d’entretien quand se vide le lac de retenue. On a beau tenter d’enfermer l’Histoire dans une casserole hermétiquement close, lorsqu’elle mijote sur le feu, le couvercle finit par sauter. A ceux qui souffrent de vertige, la faculté déconseille formellement l’alpinisme. C’est mon cas. Dès que je me suis lancé dans l’exploration de la face cachée de mon père, j’ai découvert le glacier de ses relations avec sa soeur Esther. Alors, accrochez-vous, au risque de glisser. La Belgique, c’est son Amérique à lui, un pays cosmopolite où les juifs sont toujours à l’abri, une oasis sur la carte de l’Europe. Mais une fourmi ne rêve-t-elle pas de temps en temps de se transformer en cigale ? Maurice, ami de son père. On leur apprenait le français et le néerlandais, mais surtout pas les langues qui avaient mené à l’Holocauste, le yiddish ou le polonais, symboles d’un passé gommé. Retrouvez Nathalie sur son blog Mr Optimiste: Prix Rossel 2013
Le petit Alain, devenu grand, s’interroge sur ses parents, et en particulier sur son père, personnage atypique, lecteur de la Bible et opposé aux religions, au nom de famille soumis à quelques variations selon les époques – jusqu’à Janssens, pendant l’occupation allemande de la Belgique – et pharmacien doué pour l’illusionnisme, doué tout court, peut-être. Son principal trait de caractère est dans le titre: un irréductible optimiste, certain que les choses finissent par s’arranger et que l’humanité est sur la voie d’un progrès. Auquel, cependant, l’Holocauste a donné un sérieux coup d’arrêt.
Alain Berenboom s’interdit d’imaginer quoi que ce soit. Il se base sur les documents qu’il a retrouvés, la plupart trop tard pour obtenir quelques commentaires éclairants de témoins encore vivants. Tant pis s’il y a des trous. Il ne résiste cependant pas tout à fait à une imagination qui galope, et il éprouve parfois quelques difficultés à lui tenir la bride. Une bride tenue avec humour, ce qui n’étonnera pas les lecteurs de ses précédents livres.
Mais le contrat passé avec lui-même est, dans l’ensemble, rempli. Et, en ce qui concerne le lecteur, avec bonheur.
Retrouver Pierre Maury sur son blog
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