Mousseline, c’est le fil rouge. Nous la suivons dans sa découverte de Paris et de sa passion amoureuse foudroyante et brève. Mousseline n’est pas du genre à s’épancher, ce n’est pas le genre de la famille. Elle fonce dans l’action. D’ailleurs, cela lui réussit parfaitement question carrière, mais les douleurs et les peines sont là. Nous traversons une grande partie du 20ème siècle. La 4ème de couverture résume bien la trame du roman. C’est vrai j’ai retrouvé des odeurs, des images, des sons de mon enfance. Lionel-Édouard Martin n’est pas avare de descriptions.
Michel, le neveu de Marielle, écrivain un tantinet dilettante et misanthrope, tient la plume et fait parler Mousseline. Sur le mode narratif, il dialogue avec sa tante : tu as fait ceci, tu as dit cela « Donc, tu avais dormi sur le canapé, dans le silence nocturne de la grande ville qui sans cesse t’avait réveillée, si différent du nôtre ». Cette façon d’écrire n’est pas ennuyeuse du tout sous la plume de l’auteur. Il accepte enfin de lui donner la parole, nous passons du mode indirect au mode direct. Nous pourrons même assister à des joutes verbales entre la tante et le neveu.
Les titres de chapitre sont explicites. Ainsi, du premier « L’inventaire est terminé » où nous apprenons tout de l’histoire de la famille du Joseph, le charbonnier et père de Mousseline. L’inventaire est terminé, alors passons à la suite. Chaque titre sert de conclusion au chapitre qu’il débute.
Il y a une sorte de joute entre les tenants du modernisme et ceux du conservatisme qui se lie aussi dans les dialogues. Je m’explique. Mousselin, soldat de métier, découvre l’Algérie et voudrait faire souche au … Maroc, pour lui terre d’avenir. Il parle le « parigot » de l’époque « On dirait que tu deviens gaga, frangine. Ça doit tenir de l’air de Pantruche. « Ville lumière », tu parles : Elle vous noircit, vous encrasse le ciboulot. Lumière mettons, mais de lampe à pétrole ». Mousseline préfère s’en tenir à ce qu’elle connait et rejette ce besoin d’ailleurs. Sa profession de marieuse, pardon elle tient une agence matrimoniale, la relie au passé (les marieuses étaient monnaie courante) mais également au futur. Pour elle un langage classique avec quelques mots fleurant bon son Poitou. « À ses yeux, Paris brillait d’un soleil continu, desséchant quelque fût l’heure, jour, nuit ; tout étincelait comme une bassine à confiture, et la gourmandise y avait cuit à petit feu toute la journée, le soir, on la suspendait, cuivrée, à son clou… » Les jumeaux représentent ces années 50-60, lien entre un passé rural, les pieds dans la terre et un futur urbain, et voyageur.
Les « héros » de Lionel-Edouard Martin ne sont pas causants, c’est le moins que l’on puisse dire, dur au travail qui permet de cacher les peines. Ils sont très attachants, humains, vrais, aimables. Marielle aura eu plusieurs « vies ». Malgré tous ces chagrins, elle fait face et garde toujours au fond d’elle-même cette petite flamme qui lui permet d’avancer et prendre sa petite part de bonheur
Ce qui m’a plu dans ce livre, c’est encore la plume de Lionel-Edouard Martin que j’avais découverte avec « Nativité cinquante et quelques » qui se déroulait également dans ces années. « Mousseline et ses doubles » est plus ancré dans la réalité, mais la poésie est toujours aussi présente.
Son écriture ? Un mélange de classicisme et de modernité, et oui, pareil à ses personnages ! avec beaucoup de gourmandises dans les mots. Très évocatrice, sensible et poétique, elle suggère les odeurs, les images, comme ces cinéastes qui, pour évoquer une scène d’amour, vont nous montrer un arbre, le soleil ou que sais-je. Tout est dans l’évocation. Mais il sait aussi être le peintre impressionniste qui donne à voir la vie rurale et parisienne de cette époque.
Je m’étais régalée avec « Comment lutter contre le terrorisme islamiste dans la position du missionnaire » du même éditeur et noté d’autres ouvrages sur leur site pour une future lecture. Une maison d’édition indépendante qui joue la qualité des auteurs et des ouvrages.