Robin, orphelin d’un père, mort à la guerre alors qu’il n’était pas encore né lui fait dire « Je serai toujours l’ignoré » Jeune, il ne souffre pas de ce manque, car il vit entouré d’une kyrielle de cousins.
Il intègre une classe prépa à Verbiest, chez les jésuites « les jèzes » où il se lie d’amitié avec Conrad, un jeune suisse de parents séparés, on ne disait pas divorcés à l’époque, beaucoup plus dégourdi que lui. Conrad a du charisme, parait sûr de lui, un peu dominateur, mais toujours avec élégance, à l’inverse de Robin, timide et peu sûr de lui.
Cette amitié, de la part de Robin, tend vers une certaine idolâtrie, jusqu’à guider sa vie. Elle éclaire La pension pas folichonne, la douche hebdomadaire des plus rudimentaires.
L’Histoire rencontre leur histoire. Le front populaire, la montée du nazisme, Hitler, l’Espagne, les camelots du roi, l’attentat contre Léon Blum… et sert d’arrière-fond à leur amitié tout comme le développement du ski et des stations alpines. Ici Val d’Isère qu’il faut joindre à pied ou à dos de mulets si le temps le permet. Val d’Isère, un village montagnard perdu où pour dépeindre leurs vies, les villageois disaient « Huit mois d’hiver et quatre mois de misère. »
Robin y connaîtra sa première histoire d’amour, platonique avec Clarie, jeune fille qui parait si bien, si belle, si sensible, si… « Je n’ai jamais rencontré une fille aussi gentille »
Pourtant les frêles jeunes filles, tout comme la montagne enneigée peuvent être traîtres et cruelles.
Laurence Cossé restitue l’atmosphère lourde et pesante de cette époque troublée et explosive. L’éveil à l’amour d’un adolescent d’une famille bourgeoise, enfant unique adoré par sa mère peut sembler archaïque aux jeunes d’aujourd’hui, mais il n’y avait pas internet, ni la télévision, ni portable… pour « s’instruire ».
Nous sommes au XXème siècle, mais les paysans du Val d’Isère se chauffent, non pas au bois car il est interdit de couper les arbres qui retiennent les avalanches et les pierres, mais avec « des galettes de crottes de moutons façonnées une à une et mises à sécher au grenier ». Le chauffage était fourni également par les animaux « Les vaches, l’âne ou le mulet, les chèvres étaient au fond de la salle, au rez-de-chaussée, derrière une cloison à claire-voie. Les moutons avaient une place à part. Les grands lits étaient hauts, on y montait par une marche qui servait aussi de banquette. Les moutons se serraient là tout l’hiver, dans de vastes coffres. Pour les nourrir et les faire boire, il suffisait de soulever le dessus du coffre. Ils chauffaient les lits et la pièce. » J’imagine la tête des vacanciers de la station s’ils devaient faire pareil ! Deux mondes séparés par un océan de modernité et de fric.
Laurence Cossé renoue avec le roman classique, loin de la fulgurance de la Grande Arche. Plus intime, il est très riche en renseignements historiques. Nuit sur la neige, un roman sur les débuts ; début d’une amitié, début, plutôt prémices d’une nouvelle guerre, l’amour, la naissance d’une station, les débuts du ski de descente… Je retrouve son ironie douce, sa plume classique, sans fioriture inadéquate, précise, douce, pour une mise en images de tous ces commencements.
Je prends toujours un très grand plaisir à lire Laurence Cossé qui, pour moi, est une grande auteure, à l’égal de Modiano.
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