Dans « Orphelins de Dieu », Marc Biancarelli, qui a déjà touché à tous les genres littéraires, met en scène un western corse à la fin du XIXème siècle, une sorte de « True Grit » à la française plein de panache.
Au premier plan, une maison de pierres sèches perdue dans un paysage aride ; Vénérande et son frère y habitent seuls dans le silence, depuis que Charles, trois ans auparavant, a été atrocement défiguré par des voleurs de bétail barbares qui lui ont coupé la langue et lacéré le visage. Vénérande remâche sa vengeance. Sachant qu’elle ne peut faire justice toute seule, elle décide de s’adjoindre les services d’un vieux tueur à gages fatigué qui n’aspire qu’à se retirer dans un monastère pour y finir ses jours. D’abord rétif, celui qu’on surnomme L’Infernu se laisse convaincre par le salaire que lui offre la jeune femme et par sa détermination. Il sait que ce sera sa dernière mission : trouver les frères Santa Lucia qui ont commis le forfait et venger Charles par le sang. Après une courte enquête sur la cachette de la fratrie coupable, le tueur à gages sur le retour et son jeune commanditaire se mettent en route.
Au fil de leur chevauchée vengeresse à travers le maquis corse, L’Infernu, de son vrai nom Ange Colomba, raconte à Vénérande l’histoire des héros du pays dont il a fait partie en tant qu’ancien compagnon d’armes des rebelles bonapartistes, avant que ceux-ci ne s’embourbent dans des actes de rapine, des beuveries et des règlements de compte sordides. A la mort des chefs des insurgés, Ange Colomba s’est reconverti dans l’activité lucrative de tueur à gages. Vénérande se montre à la hauteur de la confiance que le vieil homme lui témoigne, et sa propre vengeance, tout au long des histoires dont elle est la dernière dépositaire, se transmue en rachat des dérives sanglantes du tueur hanté par ses démons.
Ce roman d’aventures tient son lecteur en haleine jusqu’au bout, tant par le suspens de la vendetta que par l’histoire rétrospective et passionnante du personnage charismatique de L’Infernu. L’auteur renouvelle les codes du western grâce aux tonalités différentes qu’il imprime à son récit, le tragique côtoyant le comique dans le duo vengeur. Les changements de narration, entre présent de l’action et souvenirs du vieux tueur à gages parfois lyrique, donnent à l’ensemble une couleur mystique et un supplément d’âme pour celui qui recherche la paix par le crime, clôturant ainsi le cycle de la violence.