Johan Zarca, c’est le mec de l’underground. Logique qu’après un livre sur l’univers du Bois de Boulogne (pas lu) et d’un autre sur l’underground thaïlandais (lu : Phi Prob), le Zarca se lance dans la rédaction d’un guide de l’underground panaméen.
Zarma ! Le mec il fait ça intelligemment en plus. Tout d’abord, il n’écrit pas le guide mais le guide du guide, le making off de son livre. Ensuite, il pique allègrement dans son expérience personnelle et y mêle ses potes (de nuit, de beuverie, de défonce, de solitude, de dèche, de débauche et de sexe. La liste n’est pas exhaustive), et Dieu sait qu’elle est riche sa vie, mais en mêlant à tel point réalité et fiction qu’on en perd le nord. Impossible de démêler le vrai du faux même si on espère tout de même que les scènes les plus violentes font parties de la parti fictionnesque du récit ! Enfin, Zarca désacralise la langue. Quand bien même le récit est-il structuré et ses visites des undergrounds parisiens (parce qu’ils y en a autant que de protagonistes, que de lieux) répondent-elles à la logique de l’évolution de l’histoire dans laquelle Zarca se met lui-même en scène, il dynamite tout ça par l’argotisme et la violence de son propos.
Mais attention, Zarca ne provoque pas pour le plaisir de provoquer et il n’omet pas de se remettre lui-même en cause dans son histoire. Il s’est donné le rôle central mais il ne s’est pas pour autant donné le beau rôle. Zarca ne se voit ni en chevalier blanc, qui va redorer à lui seul le blason terni de l’underground qui n’en a par ailleurs rien à faire de se redorer quoi que ce soit, ni en petit diable, bon ou mauvais. Il est lui-même déjà à la marge du milieu qu’il fréquente, qui l’attire : les puristes le renvoient régulièrement à son rôle d’écrivaillon délateur qui montre ce qu’ils voudraient garder secret.
Au fil de ses déambulations, Zarca parle du Paris du sexe, du Paris des migrants, du Paris de la drogue, du Paris des fachos, du Paris de la nuit, celle qui fait peur, celle qui représente toutes nos faces cachées, nos angoisses, nos fantasmes, nos hontes. Cette lecture se fait au pas de course, sur les traces de Zarca, en une sorte d’apnée gigantesque parce que Zarca va là où ça craint, là où ça pue, là où ça schlingue, là où on ne s’embarrasse pas de salamalecs, là où le temps mort ne tue pas que lui-même, là où la fuite en avant est un mode de vie. Mais il va aussi là où se nouent de vraies amitiés, bâties sur un affectif, sur des rencontres.
Littérairement, Zarca argotte. Sans que le lecteur détienne forcément tous les codes, tous les tics de langage, et moi le premier !, ce style ne provoque aucun décrochement de sa part et participe a contrario à la désacralisation de l’objet littéraire à laquelle s’attaque Zarca et à l’éclatement des genres.
J’ai aussi tout à fait conscience, de ma position très extérieure, très inculte, d’avoir un regard à la limite de la considération morale de ce qui, pour d’autres, constitue un quotidien nocturne pour eux alors que pour moi il est diurne.
Le Paname de Zarca est le négatif de notre Paris diurne, bien policé, bien fréquentable. Il attire autant qu’il rebute. Contrairement au livre, qui ne vous rebutera pas, j’espère.