Autrefois chirurgien émérite, Octave Lassalle a sauvé des vies en guérissant les coeurs. À quatre-vingt-dix ans, il est désormais un vieillard. Malgré des douleurs articulaires et une fatigue tout à fait normale à cet âge avancé, l’homme n’est pas pour autant sénile. Bien au contraire. Octave est ancré dans la vie. Passionné de Haïkus, il lit également l’Ecclésiaste. Il aime infiniment sa maison, un endroit où il se sent à l’abri de toute agression. Cette maison est un personnage à part entière dans ce roman, on l’entend respirer. Elle a une âme. Même chose pour le jardin qui l’entoure, vivant lui aussi, dans lequel Octave aime à se promener. Une énergie s’en dégage.
Mais le vieil homme n’est pas en paix. Une blessure ancienne est encore béante. Sa fille bien-aimée, Claire, a un accident de voiture alors qu’elle n’a que dix-neuf ans. À l’époque, il ne se sent pas capable d’opérer sa fille. L’angoisse d’échouer, sûrement. Claire meurt pourtant. Sa femme, Anna, lui en a veut de ne pas avoir tenté de sauver sa fille. Très croyante, elle se heurte également à l’athéisme de son mari. Elle finit par quitter la maison familiale et s’envole pour le Canada emmenant le corps de Claire avec elle. Face à ce deuil, l’ancien chirurgien se retrouve démuni. Difficile de se redresser devant un tel bouleversement, surtout pour un homme qui ne croit pas.
Aujourd’hui, il a envie de se libérer de ce passé, sans l’oublier pour autant. Trouver un chemin qui l’apaise, une ardeur, une aspiration. Et pour atteindre son but, il a besoin d’une présence humaine. Car il croit en l’homme. L’élan de vie, c’est là qu’il le trouvera, il en est certain.
Octave forme ainsi autour de lui un groupe de quatre personnes qui l’accompagnent quotidiennement. Au fil de la journée, Marc, Hélène, Yolande et Béatrice se succèdent dans cette grande maison. Chacun a ses responsabillités propres. Mais le vieil homme ne les a pas choisi au hasard, tous ont des fêlures.
Marc arrive tôt le matin, il s’occupe tout d’abord de la toilette et du petit déjeuner d’Octave, puis a la tâche de prendre soin du jardin. Ancien soldat en Afrique, la guerre l’a traumatisé.
Octave demande à Hélène de peindre sa fille à la manière des portraits du Fayoum – portrait funéraire qui devait assurer au défunt un visage dans l’au-delà identique à celui qu’il avait sur terre –. Hantée par une histoire d’amour perdu, Hélène vit dans l’obscurité, en dehors de la vie.
Yolande s’occupe d’Octave en fin de journée. Cette femme a connu des hommes, sans pourtant effleurer l’amour. Sans enfant, elle a pris sous son aile une jeune femme enceinte, et découvre des sentiments maternels profonds. Mais elle sait bien que Louise partira un jour.
Béatrice quant à elle, passe la nuit dans la grande maison, veillant sur le sommeil du vieil homme. Ses parents ont perdu son petit frère avant sa propre naissance. Depuis toujours, son ombre plane au-dessus d’elle, un poids qui l’empêche d’avancer. Seule la danse la transporte ailleurs.
Se rassembler, s’unir, tisser des liens, puiser de la force et se guérir les uns les autres. Chaque personne va s’affranchir de son entrave personnelle ; trouver la lumière, apporter ses connaissances, rencontrer l’amour, ne plus douter, se faire confiance, sauver et apprivoiser autrui, écouter et être entendu, laisser aller ses émotions, ne plus avoir peur… Avoir foi en l’homme. Un roman magnifique qu’on quitte l’esprit tranquille.
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