Pour accompagner Calaferte en promenade, point n’est besoin d’un équipement spécial ou de jarrets bien exercés à la marche : un moral d’acier suffira. Car le narrateur est lugubre, et sa conversation déprimante à souhait. Le quatrième de couverture a tôt fait de nous avertir : ici, le monde prend la couleur d’une colonie pénitentiaire. Et de fait, on erre dans les tourments les plus triviaux du quotidien tel un détenu entre ses quatre murs: la décrépitude de l’âge, le souvenir nostalgique de nos parents disparus, l’inaction et la perte de sens, la rumeur, la cruauté, l’incapacité à aimer, la faute professionnelle, l’enfermement carcéral… Pas un recoin des tracasseries de l’existence qui n’échappe à sa plume sobrement désabusée, trempée à l’encre du désespoir. Mais pourquoi donc s’infliger pareille lecture ? se demandera-t-on. Question de survie, sans doute. Car telle est la vertu paradoxale de ces petits récits insupportables : on en émerge en suffoquant, et convaincu que l’heure est venue de changer le monde, avant qu’il ne soit trop tard.