critique de "Prométhée vagabond", dernier livre de Alexis David-Marie - onlalu
   
 
 
 
 

Prométhée vagabond
Alexis David-Marie

Les Editions Aux forges de Vulcain
septembre 2014
365 p.  18 €
ebook sans DRM 5,99 €
 
 
 
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Les Prométhées n’engagent que ceux qui les croient

Fin XVII° siècle. Paul, séminariste, est envoyé en mission sous forme de pénitence : ramener au bercail du Séminaire, le Sieur Larpenteur, en fuite après s’être rebellé contre le recteur et avoir proféré des propos blasphématoires à caractère hautement libertins. Que fuit Paul ? On ne le saura que sur le tard mais cela n’a que peut d’importance. L’essentiel du récit repose dans les dialogues entre Paul et Larpenteur. A travers leurs échanges et le voyage initiatique qu’ils réalisent ensemble, Paul et Larpenteur déteignent l’un sur l’autre, sans pour autant parvenir à une synthèse. On assiste un peu, entre les deux, à un combat des modernes contre les anciens. On sent qu’on est sur une brèche philosophique et morale et nos deux protagonistes s’y engouffrent avec toute la vaillance de leur jeunesse, symbole de territoires psychologiques encore vierges et malléables. Le récit foisonne de réflexions plus modernes les unes que les autres sur la religion, ses rapports avec le pouvoir et Alexis David se livre à une véritable déconstruction de l’édifice religieux, s’attaquant à la chrétienté comme il aurait pu le faire avec n’importe quelle religion. Larpenteur tente au long du récit de jeter les bases d’une nouvelle « religion », plus appréhendable pour le peuple, fondée sur une nouvelle trinité : Amour, Quiétude et Reconnaissance. Mais par là même, il ne fait que reproduire un schéma déjà maintes fois éprouvé et ne propose rien de nouveau sur le fond, uniquement sur la forme. La vanité de sa recherche lui apparaîtra à la fin de son errance sous les traits séduisants d’une jeune femme qui le « rangera » des affaires… Aussi vaine sa recherche est-elle, il n’en ressort pas moins une morale que l’on pourrait résumer en ces termes : l’important n’est pas tant le message que le messager qui peut en dévoyer le sens. Larpenteur en veut pour preuve que la religion elle-même n’et qu’un outil de propagande et de manipulation des masses. Si Dieu (surtout de ses soi-disant représentants) a failli dans sa mission humaniste, l’homme n’a pas non plus l’heur de satisfaire Alexis David à travers ses personnages qui doute de sa supériorité par rapport aux autres espèces animales. Au contraire, l’intelligence humaine est le meilleur et le plus fertile terreau de la crédulité.

Le récit d’Alexis David, avouons-le, met une petite centaine de page (un quart du livre) à prendre la mesure de son propos et à véritable développer ses thèses ou théories. Basant son argumentation sur la dialectique et l’échange entre Paul et Larpenteur, le lecteur que je suis, qui y trouvait justement les meilleurs passages du livre, regrette qu’Alexis David n’en ait pas mis plus dans son roman par ailleurs passionnant et intéressant, nous interrogeant sur ce qui a remplacé la religion de nos jours dans l’exercice de propagande qui était la sienne. A-t-elle seulement été remplacée ? « – Je t’accord cependant que la religion est universelle sur un point. – Enfin, soupira Paul. Lequel ? – Celui de l‘intérêt des Etats qui nous font croire en cas fables pour mieux s’asservir les peuples, qu’ils soient indiens, turcs français ou navarrins. » « Je ne crois pas que l’intelligence de notre espèce fonde notre dignité. » « Car, dans tous les cas, il ne s’agit que de broder des doctrines et des usages pour se défendre de la peur, de l’angoisse et de la souffrance… Leurs superstitions et ta religion proviennent d’une même nécessité. » « – Ce besoin provient de l’angoisse profonde qui est la nôtre. – L’angoisse du Jugement ? – Mais non ! Je te parle de l’angoisse face à l’incertitude, face à l’ignorance de ce que nous réservent les lendemains. (…) – Toutes ces idoles que l’on dresse ou ces valeurs que l’on vénère, tout cela n’est que le symptôme de nos peurs et de notre condition misérable. » « L’homme était couard mais ambitieux : il avait toute la terre à convaincre de la vanité de la foi. » « Les heures passées à marcher lui offraient tout loisir pour réfléchir à cette étrange façon qu’ont les hommes de faire mentir leur Dieu. » « – On accorde trop à la volonté de Dieu. – Elle est souvent l’asile à l’ignorance, confirma Larpenteur. – Donc, nous nous servons de Dieu bien plus qu’Il ne nous sert. – C’est à cela même qu’il doit son existence… – Pourquoi ne peut-on guère se résoudre au Hasard ? – Il nous jetterait dans le vide, même s’il est bien la substance de Tout… »

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