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« Querelle » de Kevin Lambert Tragédie socialeVoici le deuxième roman d’un jeune auteur québécois. Un roman âpre, violent, dérangeant et totalement réussi en ce qu’il bouscule les certitudes du lecteur. Avec ce sous-titre, « Fiction syndicale », tout commence comme un roman réaliste et se poursuit comme une tragédie aux rouages implacables. La scène est la scierie du Lac Saint-Jean, à Roberval, dans la province de Québec, où quelques douze employés sur la vingtaine qui y travaillent sont en grève. Parmi eux, il y a Querelle, le dernier arrivé à l’usine, jeune homosexuel montréalais qui attise les fantasmes et attire les garçons via Internet. A la scierie, on apprécie Querelle, même s’il s’écarte des normes patriarcale, hétérosexuelle et chauviniste du coin. Au fil des piquets de grève et des réunions syndicales, les esprits s’échauffent, certains perdent leur travail, encaissent les coups bas du patron, les pressions financières, l’intervention de la police, et déplorent le manque d’intérêt des médias… Le conflit s’enlise, les négociations aussi, les positions se durcissent et l’amertume ronge les grévistes. Après quelques mois, l’intérêt commun se fissure, laissant apparaître les enjeux personnels et l’individualisme souterrain, illustration sans manichéisme de la brutalité sociétale et politique. Dans ce microcosme, reflet de la société, la lutte ouvrière s’élargit à la lutte des classes tout en contaminant les relations entre les êtres et les sexes ; seule compte la jouissance, au sens de la satisfaction des désirs, même au prix du sang. L’écriture de Kevin Lambert, nerveuse, tendue vers une violence paroxystique, revendique ses influences telles Jean Genet ou Virginie Despentes. Sa langue, extrêmement travaillée, utilise le parler populaire québécois et les écarts syntaxiques ; le langage direct, cru, vulgaire parfois, colle au réalisme social dans les interstices duquel la poésie se glisse et emporte le lecteur, l’élevant au-dessus de la misère et de la solitude qui embourbent les êtres et rejettent les anges déchus dans les marges.
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Fiction syndicale
Percutant, viril, un ciel zébré d’éclairs, « Querelle » de Kévin Lambert est un roman sombre, emblématique, au souffle rare. En plongée directe dans une histoire d’une émouvante contemporanéité où tout vole en éclats. La trame resserre ses griffes acérées sur les peaux tendres de ces jeunes garçons (tous). Ces êtres égarés, violentés, ivres de sexe et de douleurs morales. Endurcis par les affres de la vie. Des hommes perdus dans la débauche, les caresses abolies, tableau cauchemardesque d’une jeunesse qui se meurt. Ici, pas de compromission. L’auteur délivre un fleuve gorgé de boue à l’encontre des diktats sociétaux, des inégalités criantes, des habitus étranglés par les marginalités, tranchées de guerre sociologique. L’écriture est soyeuse, écharpe de laine pour les hôtes des pages. « Et les grévistes, 7h30 le matin, le soleil à peine sorti pour venir crever le gris froid de l’hiver, pris entre la route régionale et la grille d’entrée, ils ont le lac dans les yeux, un feu qui brûle timidement dans une vielle cuve, et pas grand-chose d’autre. » L’histoire est encerclée dans le grand nord canadien, éloignée du consumérisme, en étau dans un chômage irrévocable, en toile de fond, un lac à perte de vue inspirant mais piégeant où ces oubliés d’un XXIème siècle s’entredéchirent. Le néant affiche le carton rouge. Une scierie aux rouages d’une idiosyncrasie en perte de vitesse, des travailleurs en grève suicidaire. Ce récit à visée syndicale et politique est sans aucune compromission. Des hommes, dont Querelle fragile, offrant son corps en délivrance aux jeunes garçons aux abois, est un miroir d’honneur de sensualité. Gestuelle devenant un sapin de noël vacillant. Une femme, Jézabel dont le prénom colorie une Babel en furie, mi-déesse mi-démon, battante, va se frayer un chemin dans cet antre où le masculin est une chape de plomb. Ce récit est une plongée dans ce paroxysme de violence, de jouissance, une noyade prévisible, radeau de Géricault, mais d’une beauté infinie. Querelle au nom parabolique, emblème des oubliés, des mains écorchées vives, échardes d’une scierie de sang et de larmes. Il est le héros de ces gavroches des temps modernes, de ces révoltés, enfants écrasés d’un coup de pied sociétal. Nécessaire, percutant, lire « Querelle » est un devoir. Son sombre est une espérance, sa force, l’authenticité. Les émotions attisent les larmes. Ce récit tremblant de vérité confirme que toute lutte doit être constante et implacable. J’ai aimé ces garçons de la nuit. Dans les passages sublimes de lecture où tous étaient les soldats emblématiques, gerbes de ténacité pour un monde meilleur. A l’instar du murmure d’une quatrième de couverture donnante « Querelle se repose, content. Il est persuadé, pendant un très court instant, d’être utile à quelque chose et, d’une manière étrange, se sauver le monde juste un peu. » Publié par Les Editions Le Nouvel Attila, qui viennent de mettre au monde un récit des plus engagés et bénéfiques. |
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