vous n'avez pas correctement recopié le mot de validation
recopiez le mot "livre" ci-dessous
votre nom
votre email
nom du destinataire
email du destinataire
message inclus
votre message
votre nom
votre email
raison
titre de la critique
texte
classement (facultatif) :
Merci de veiller à la présentation (orthographe, ponctuation, majuscules...) afin de permettre la mise en ligne de votre texte.
coup de coeur
nuit blanche
o n l a r e l u
on n'aurait pas dû
titre de la critique
texte
classement (facultatif) :
Merci de veiller à la présentation (orthographe, ponctuation, majuscules...) afin de permettre la mise en ligne de votre texte.
coup de coeur
nuit blanche
o n l a r e l u
on n'aurait pas dû
Confirmez la suppression de votre critique
Vous pourrez en écrire une autre plus tard.
Retour à Séfarad
Pierre Assouline
Gallimard
blanche
janvier 2018
448 p. 22 €
ebook
avec DRM 15,99 €
La rédaction l'a lu
L’éternel retour
Tout commence pour l’auteur par un discours du roi d’Espagne, Felipe VI. Cinq siècles après l’Inquisition qui obligea des milliers de familles juives à s’exiler, le monarque espagnol propose, à titre symbolique bien sûr, à leurs descendants d’obtenir réparation, en recevant la nationalité espagnole . Et voici notre juré Goncourt, cet amoureux de la langue française, originaire d’une de ces familles chassées, qui se met en tête de devenir espagnol, de renouer avec le passé si lointain de sa famille. Une idée étonnante selon ses proches, tous aussi français que possible. Ceci tourne à la mission, puis à la véritable quête. Tout est en effet plus difficile qu’il n’y paraît : dans des pages éblouissantes de drôlerie, l’auteur nous raconte la difficulté à accumuler les preuves, à exhiber sa flamme hispanique, ses connaissances du pays, la subtilité de sa langue face à une administration souvent obtuse. Un parcours du combattant donc mais aussi et surtout un fabuleux prétexte pour raconter Séfarad, cette nostalgie du paradis perdu où les Juifs vivaient heureux dans l’Espagne catholique. Rencontres, lectures, visites de villages reculés comme des plus grandes villes, Pierre Assouline mène l’enquête sur l’Espagne d’hier et d‘aujourd’hui, confie son amour des écrivains et des poètes espagnols et sa détestation … du jambon ! Il dresse un état des lieux de ce pays que les Catalans veulent fuir, un pays à la fois très moderne et totalement relié au passé tragique de l ‘Inquisition et de la guerre civile. En filigrane, ce sont les questions de l’héritage, de la transmission des valeurs, de l’identité qui sont ici revisitées avec brio . Appartient-on à un pays par sa langue, par le fait que ses ancêtres y reposent , ou par un roman familial souvent fantasmé ?
Dans des lignes émouvantes et dignes, l’auteur de « Sigmaringen » et de « Lutetia » livre aussi beaucoup de lui même, dont la mort de son frère sur une route espagnole. Celui qui, écrit-il, « a longtemps été plein de larmes, est aujourd’hui plein de fantômes ». Certains légers, d’autres plus taciturnes. Tous font la ronde dans ce gros roman-quête picaresque impossible à résumer ou même à définir, tant il ressemble à un pot-au-feu littéraire . On s’y plonge avec délectation, on y apprend une multitude de faits sur l’Espagne, notre voisine si mal connue et on y rit de bon coeur, notamment grâce à la description des rencontres imprévues de l’auteur ressemblant parfois à Tintin tendu vers son Graal personnel. Arrivera-t -il à décrocher le fameux passeport ? En refermant ce livre-monde, on espère des nouvelles du plus hispanophile de nos écrivains !
Retour à Séfarad met en scène un candidat, juif séfarade, à l’obtention du passeport espagnol , démarche rendue possible par une déclaration du roi d’Espagne Sa Majesté Felipe VI qui affirme dans un discours prononcé en 2015 en guise de conclusion « Comme Vous nous avez manqué ! » .Hommage rendu à la participation des séfarades à la vie espagnole, à la transmission à leurs enfants de l’amour de cette patrie espagnole , ce discours interpelle Pierre Assouline, qui prend au mot le discours du roi .Il sera candidat au passeport, à la nationalité espagnole .Seulement voilà : cinq siècles ont passé depuis l’expulsion de 1492, et bien des changements ont eu lieu .pour Pierre Assouline, les tentatives de retrouvailles de la maison familiale, du cimetière, de l’ancien quartier juif , la juderia, peut-être rasée, sont vouées à l’échec ;il lui suffit de « savoir que notre mémoire précède notre naissance. De mon expédition dans ce passé-là où je suis parti retrouver des paroles, des voix, un souffle gelés dans l’hiver des livres, je n’espère pas rapporter des vérités mais tout au plus des effets de vérité. Non des preuves mais des traces puisque, comme le dit René Char je crois, seules les traces font rêver. »
En fait, les démarches pour obtenir cette nationalité se révèlent d’une complication décourageante :elles constituent un parcours d’embûches :les candidats doivent prouver leur lien à l’hispanité, suivre des cours de langue et de civilisation espagnole à l’institut Cervantès de la rue Quentin Bauchart, rue située près des Champs-Elysées à Paris .Pierre Assouline souligne avec grand à-propos le rôle qu’a joué selon lui Cervantès en exposant en quelque sorte « l’ironie dévastatrice, la distance et même la morale de l’échec (…) mais avant tout la leçon de liberté que donne Cervantès aux écrivains. » Mais comment se souvenir, retrouver ces racines d’il y a cinq siècles ? En parcourant ces villages abandonnés par suite de l’exode rural ou l’extinction naturelle de ces localités faute d’habitants, l’auteur du récit y voit comme une manifestation de la permanence : « Peut-être n’aurais-je pas été dans toutes les villes de mes ancêtres qu’à seule fin d’écouter le silence, de goûter la qualité de ce silence-là( …) Si de ce voyage je ne rapportais qu’une version personnelle du silence espagnol, je n’aurais pas voyagé pour rien Cela relève d’un profond mystère :ils sont partis depuis des siècles mais leur présence métaphysique ne les jamais désertés . » Cette quête de l’identité, de ses possibles contours, de sa définition, de son extension, Pierre Assouline la situe dans une nécessité vitale : celle d’échapper à toute assignation, de ne pas regarder la notion d’identité comme un gros mot, en citant Marc Bloch et René Roudaut, ancien ambassadeur énonçant très prosaïquement : « L’identité, ce n’est pas l’empreinte Bertillon ! » Identité sans assignation, sans rétrécissement, mais « mouvante et dissonante. »
Pierre Assouline, aux termes de cette requête administrative, demande au roi Felipe VI d’abolir le décret d’expulsion des Juifs d’Espagne pris en 1492, cette décision « changeait tout (…) Si vous daignez et en convenez alors je me sentirai pleinement espagnol. »
C’est là une réflexion sur les notions d’identité, d’attachement, de racines, de sentiment d’appartenance très riches, foisonnantes, très fouillées que nous livre Pierre Assouline, dont la contribution à ce débat brûlant nous aidera grandement à éclairer les lecteurs potentiels.