Nathan a littéralement fui sa famille, laissant derrière lui un père et une mère à la limite du mutisme, en tout cas incapables d’exprimer simplement des émotions sincères, ainsi qu’un petit frère, Nathan, 18 ans, qui vient de passer son bac mais qui ne saura jamais s’il l’a obtenu ou non. Gabriel revient sur les lieux de son enfance pour l’enterrement de ce frère, décédé brutalement dans un accident de voiture, sous l’emprise de l’alcool et de substances illicites.
Gabriel faisait partie d’une troupe de saltimbanques, en tout cas d’un groupe qui apprenait à jongler, cracher du feu, marcher sur des échasses… Cette troupe constituait le centre de sa vie. Elle constituera désormais celui de Nathan qui va se lier avec les membres de la troupe, partir avec eux sur les routes régionales pour d’enfiévrées fêtes médiévales et surtout s’amouracher, comme tout le monde, d’Appoline, l’ex-petite copine de Gabriel.
Nathan apprivoise Appoline comme un petit animal apeuré, troublé : il tourne autour d’elle et s’approche progressivement pour qu’elle s’habitue à lui et lui fasse confiance, craint par des gestes brusques de la faire fuir… François Pieretti utilise toute la palette du vocabulaire du dresseur et de la bête sauvage. Appoline est un être sauvage qui ne s’apprivoise pas, qui ne se laisse pas apprivoiser.
Le récit de François Pieretti est à l’image de ses personnages : avares de dialogues, de discussions et d’échanges. Cette économie de moyens colle avec le propos du livre qui se veut très introspectif. Sous couvert d’enquêter sur son frère décédé, Nathan est surtout sur la piste de sa propre histoire, de sa propre personnalité.
On ne peut ainsi imaginer personnage plus dissemblable de ses parents que Nathan. Ou que Gabriel, d’ailleurs. Et pourtant, leurs parents ont tout accepté de Gabriel. Tout ce qu’ils ont pu refusé à Nathan, l’aîné, ils l’ont offert au cadet. Comme s’ils souhaitaient se faire pardonner quelque chose. Quelque chose qui ressort et les noie avec la mort de Gabriel. Ils se retrouvent comme emprisonnés dans une gangue de remords qui les immobilise à jamais, qui les mure dans un silence pesant.
Le temps narratif est ainsi très lent, très introspectif et sied à la nostalgie et à la passivité qui hantent les personnages de François Pieretti. Aussi bien dans la première partie du récit qui se déroule sur les terres de l’enfance de Nathan et de Gabriel que dans la seconde partie dans laquelle Nathan se rend en Bretagne. Il y trouvera une nouvelle expérience qui lui permettra de se compléter psychologiquement.
Nathan est de ces êtres humains qui semblent traverser l’existence sans avoir réellement les pieds dans la réalité, comme si les événements ne pouvaient avoir d’impact sur lui alors que c’est tout le contraire : il absorbe tout ce qui lui arrive pour s’en nourrir, pour grandir. Il est à la recherche de lui-même alors qu’il a tout sous les yeux, chez lui. La vie est un cycle que Nathan doit finir d’accomplir pour être « chez lui », ce qu’il parviendra à faire.