Depuis toute petite, Ninon est biberonnée aux histoires familiales que lui racontent sa mère avant de s’endormir et quelles histoires !
Dans sa famille, les filles ainées sont victime d’une malédiction ; Des maladies, des maux mystérieux surviennent du jour au lendemain. « La famille de Ninon est maudite, marquée depuis toujours du sceau de l’infamie et de l’infection, une malédiction aussi risible que tragique, un sens de la transmission autant que de la contamination n, des catastrophes génétiques en chaîne : génération après génération, des récits de maladie, de mauvais sort, de démence et d’envoûtement, une multitude de maux qui frappent automatiquement les fils ainées depuis le XVIe siècle. »
Tout est consigné, transmis aux descendants et la mère de Ninon aime lui raconter l’histoire familiale, tout au moins, celle des filles ainées. Marie Lacaze fut la première de la lignée. Esther Moise, la mère de Ninon est atteinte d’une forme de dégénérescence oculaire. Ninon, à dix-sept ans, un beau matin se réveille les bras en feu. Uniquement les bras, de l’épaule à la main. Le spécialiste diagnostique une allodynie tactile. Elle ne peut rien supporter sur les bras, s’enferme dans sa chambre et en elle, souffre. Sa mère n’est plus ce phare qui illuminait son enfance, c’est presque devenu l’ennemie, celle par qui cela arrive.
Parlons-en de la mère. De quelle névrose souffre-t-elle pour infliger ceci à sa fille ? Pourquoi cet orgueil d’une lignée de souffrance ?
Ninon se rebelle, ne veut pas dire un mot de cette hérédité démoniaque. Rien n’y fait, la médecine est impuissante à soigner la malade. Internet la mène vers des chamanes en tout genre. Là elle se rend compte qu’elle ne peut faire abstraction de la lignée maternelle.
Toutes ces visites et consultations ne lui apportent rien et deviennent même ennuyeuses. Il me faut les suivre, les subir, c’est son chemin de croix, plutôt son chemin de vie pour comprendre sa souffrance. Bien sûr, il y a la vodka et le joint qui, temporairement calment la douleur mais, la chute n’en est que plus dure.
Entremis, Joy Sorman dévoile l’arbre généalogique de toutes ces filles ainées, c’est un arbre, un catalogue hallucinant de divers maux et malédictions ! Je comprends que Ninon veuille briser ce lien.
La douleur enferme Ninon, la plonge dans la solitude. Est-ce par la peau que s’exsude son enfance ? Est-ce une mutation vers une nouvelle vie ? Faut-il souffrir dans sa chair, ici dans sa peau, pour se dévoiler, prendre de l’épaisseur, devenir adulte ?
De peau, il en était déjà question dans son précédent roman « La peau de l’ours ». Joy Sorman s’appuie sur une longue recherche historique et médicale pour mieux s’en échapper et nous emporter dans le tourbillon de survie de Ninon.
Les phrases jaillissent, valsent, comme tournent les praticiens. Les phrases sont longues, mais vivantes et alertes, pour mieux faire ressentir l’état de Ninon jusqu’à la renaissance et le retour à la douceur de sa peau qu’elle fêtera d’une façon radicale et inattendue. Oui, Ninon Moise est devenue elle et non plus la descendante d’une lignée maudite, elle s’est réapproprié son corps et son esprit. Non, Le mal ne passera plus par ces histoires racontées le soir au moment de s’endormir.
Un très bon roman dans la lignée des précédents et définitivement, j’aime le style de Joy Sorman.
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