Sous la vague
Anne Percin

Editions du Rouergue
août 2016
199 p.  18,80 €
ebook avec DRM 13,99 €
 
 
 
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Une fable sociale pleine de délicatesse.

Ce roman aurait pu s’intituler « De l’influence d’un tsunami asiatique sur la production du cognac en Charentes » ou encore « La mondialisation expliquée à ma fille »… Peut-être parce qu’elle écrit beaucoup pour la jeunesse, Anne Percin réussit à créer avec beaucoup de finesse un univers presque enchanté pour aborder des sujets pourtant pesants qu’elle parvient à rendre agréablement légers. J’ai particulièrement apprécié la petite touche d’humour pince sans rire qui saupoudre l’ensemble ; c’est vrai que tout passe mieux avec le sourire. Nous sommes en 2011, peu de temps après la catastrophe de Fukushima dont les conséquences économiques se font sentir jusqu’en Charentes. Les japonais faisant partie des principaux acheteurs de cognac, la propriété que dirige Bertrand Berger-Lafitte se trouve en grande difficultés au point que son principal actionnaire envisage de le lâcher et de revendre ses parts à un consortium étranger. Et comme si ce tsunami avait donné le signal des réjouissances, tout flanche dans la vie de Bertrand, son ex-femme est prête à le trahir, sa fille est enceinte des bonnes oeuvres d’un représentant syndical du domaine et les ouvriers envisagent de se mettre en grève pour protester contre la vente annoncée. Pour couronner le tout, la voiture conduite par Eddy, le chauffeur de Bertrand percute et blesse un faon. Pour Bertrand, c’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase, comme si la proximité de ce « Bambi » qu’il va s’attacher à soigner le ramenait à la période de l’enfance, celle où tous les choix étaient encore possibles. Sous couvert de légèreté et d’humour, Anne Percin nous dépeint une réalité sociale dont les acteurs sont peu à peu tirés de la torpeur à laquelle leur conditionnement les réduisait jusqu’à présent. On prend progressivement conscience de l’impact d’un événement survenu à l’autre bout du monde sur les vies des employés du domaine, on prend aussi surtout conscience de la nécessité de s’engager pour faire bouger les choses. Et chacun va le faire à sa manière, à l’opposé de ce que l’on pourrait attendre de lui ce qui nous vaut des situations assez cocasses bien que toujours maîtrisées par la romancière. A travers la relation entre Eddy, le chauffeur, trentenaire mystérieux à la fois rassurant et inquiétant et Bertrand, le patron oscillant entre paternalisme et capitalisme, tout le jeu social est bousculé, les cartes son redistribuées. Il y a des moments assez irrésistibles, des dialogues entre les deux dignes des meilleures comédies britanniques (oui, ce Eddy a quelque chose d’un majordome anglais qui aurait roulé sa bosse un peu partout dans le monde parmi les mafieux et autres personnages peu recommandables). Avec ce roman, l’auteure apporte un peu de douceur dans un monde de brutes, laissant croire que oui, de nos jours, les gentils peuvent encore gagner. J’étais curieuse de lire Anne Percin après l’avoir découverte grâce au superbe Les singuliers. Je ne suis pas déçue, dans un autre style, une tout autre histoire, la même délicatesse. Reposant dans toute la violence littéraire de cette rentrée.

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