Jane Sautière a pas mal bourlingué, c’est un euphémisme que de parler de bougeotte en parlant d’elle. Cela lui a donc donné l’occasion de fréquenté à de multiples reprises les transports, en commun (Métro, tramway, RER à Paris comme à Lyon) ou pas (avions et trains ne sont pas en reste).
A travers ces transports, essentiellement ferroviaires, Jane Sautière s’attaque aux transports sentimentaux : amoureux, au fil de sa vie de couple et de sa séparation, personnels (c’est un peu à un voyage au cœur de ses sentiments et de ses sensations qu’elle nous invite), professionnels (parce que son métier l’a confrontée à toutes sortes de caractères humains déshumanisés dans le monde carcéral).
La première partie du livre (par ailleurs très court) place les transports au centre du développement de Jane Sautière comme cadre de vie, au gré de ses déménagements. Le moyen de transport, à travers ses lieux de départ et d’arrivée, devient alors un marqueur social propre d’une part à l’auteur et d’autre part aux lieux à proprement parler. C’est d’ailleurs une constante du livre que d’opposer la personne de l’auteur dans sa singularité et sa particularité à la multitude des transports : noyée par la foule des passagers, Jane Sautière reste pourtant seule mais surtout isolée. Les transports fonctionnent comme une gangue isolatrice.
Dans la seconde partie, Jane Sautière procède par sauts de puces, stations après stations, et nous livre sa vision des transports à travers le prisme de flashs, de sensations, d’images syncopées. C’est comme si vous aviez un petit livre fait d’images successives qui feuilletées rapidement créent un mouvement, une action… sauf que là, les images sont toutes uniques, toutes différentes les unes des autres. Le mouvement est alors saccadé, haché, brusque mais forme un tout cohérent.
Pour voyager dans le livre de Jane Sautière, il faut savoir lire entre les lignes, entre les stations. Le plus dérangeant dans ce livre étant finalement que le lecteur finisse par voir en Jane Sautière une voyeuriste qui a su darder un regard perçant et étourdissant sur les exhibitionnistes que nous sommes, à nous livrer ainsi aux regards de toute personne qui veut bien se donner la peine de lever ses yeux sur ses coreligionnaires de transports. On prend alors le risque d’aller trop loin et de se perdre entre les lignes…