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« Tous les hommes n’habitent pas le monde de la même façon »
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Tous les hommes n’habitent pas le monde de la même façon
C’est le premier Jean-Paul Dubois que je lis et c’est une très belle découverte de cette RL2019. Je sens que je vais faire remonter « La succession » qui m’attend dans ma PAL. Ce récit raconté à la première personne par Paul Hansen se déroule dans le milieu carcéral. En effet, nous sommes au pénitencier de Montréal, a seulement quelques kilomètres de l’ancien habitat de Paul. Une prison où grouillent des rongeurs la nuit, où il fait très froid l’hiver, malgré le nombre important de couvertures. Une cellule nommée ironiquement condo, « appartement’ de 6 m2, deux lits superposés, deux tabourets scellés, deux tablettes, un lavabo et un siège de toilette. Une cellule partagée avec Patrick Horton, un biker massif , tatoué, qu’il vaut mieux ne pas trop approcher ni contrarier. Il est condamné pour meurtre et passionné de Harley Davidson. Paul Hansen est l’opposé, un homme serviable, aimable, apparemment sans histoire, qui durant 26 ans a été super intendant à l’Excelsior, entendez par là, homme à tout faire, super concierge veillant corps et âme à l’entretien des 68 appartements de la résidence et sa piscine. Mais que fait-il là ? Pourquoi est-il emprisonné depuis le 4 novembre 2008, date de l’élection d’Obama, presque deux ans ? Ah ben ça, pour le savoir faut lire ce savoureux récit. Paul Hansen est Franco-Danois, il est né à Toulouse le 20 mai 1955. Son père, Johannes, pasteur est né à Skagen, le point le plus au Nord du Jutland, un petit village de pêcheurs de harengs célèbre pour son école picturale et surtout pour son église ensablée dont ne reste visible que le clocher, c’est ce qui lui a donné la foi. Son père Johannes épousera une française Anna en 1953. Anna c’est aussi l’histoire du cinéma dont elle est passionnée. Elle gérera le cinéma familial, le Spargo à Toulouse et le fera évoluer vers des films « art et essai ». En 1975, changement de cap, elle programme « Gorge profonde ». Ce film et cette nouvelle orientation sonnera le glas pour le couple, les projections de plus en plus érotiques étant incompatibles avec la foi « perdue » de Johannes. Johannes Hansen émigrera au Canada en 1975 dans une ville minière, un an plus tard, son fils viendra le voir et s’installera là-bas. Après divers boulots il s’installera à l’Excelsior. Ce récit, c’est l’histoire de Paul, l’amour d’un père, l’amour d’une femme, la sienne Wiwona, une indienne algondine, l’amour perdu pour sa chienne Nouk car il s’agit aussi de l’histoire de deuils. Mais avant tout, c’est l’humanité, ce sont deux hommes opposés qui dans la promiscuité d’une cellule vont avoir l’un envers l’autre une solidarité, une certaine compassion. C’est l’être humain qui se révèle et se met à nu. J’ai aimé la plume de Jean-Paul Dubois, tendre, vive, drôle à la fois. Le ton est souvent sarcastique, un roman dense, il se passe toujours quelque chose nous parlant de révolte, de l’impossibilité pour Paul de se résigner à l’injustice. Il nous donne une certaine vision du monde, de l’être humain. Il décortique ce qui peut pousser un être ordinaire, serviable, travailleur à « péter un câble ». Il nous parle d’humanité ou du manque de celle-ci dans ce monde et nous emmène au coeur des sentiments de chacun. Un roman audacieux qui vous promet un beau voyage sur un fonds historique, à la découverte de Skagen, des hommes et de leur profondeur d’âme.. Oui, tous les hommes n’habitent pas le monde de la même façon. Je suis séduite, un très beau roman de cette rentrée. Lisez-le ! Ma note : 9/10 Les jolies phrases Voir ainsi ce colosse assassin donner le meilleur de lui-même pendant ces tâches puériles a un côté touchant, mais aussi sacrément angoissant, tant il interroge sur les méandres merdeux de l’âme humaine. Débarrassés de toute contrainte, nous éprouvions alors le sentiment de flotter dans le temps, d’être pleinement propriétaires de nos vies, de secréter à chaque pas de l’insouciance et des molécules de bonheur ; tandis que la chienne roulait son pelage blanc dans des manteaux de neige. Il m’arrive parfois de fermer les yeux et d’essayer de reconstituer le jardin d’Eden, mais à chaque tentative des voix sauvages jaillissant des couloirs et des cellules font s’écrouler la patiente et fragile reconstruction qu’on essayait d’opérer ma mémoire. C’est alors que l’on prend la mesure de ce qu’est une peine de prison. Une incapacité chronique à s’évader , ne serait-ce que le temps d’une marche en compagnie des morts. J’ai dit qu’eux pouvaient me visiter ici. Mais jamais je n’arrive à les rejoindre dehors. La foi, c’est fragile, ça repose sur trois fois rien comme un tour de magie. Et qu’est-ce qu’il faut pour être un bon prestidigitateur ? Un lapin et un chapeau. La foi était passée à la trappe. Une autre l’avait remplacée. Mon père avait besoin de croire. A la fin de l’été, la chute fut vertigineuse et les pertes à Trois-Rivières enflèrent de semaine en semaine. Le pasteur était entré dans le vortex du vaincu, ce trou noir qui avale inexorablement celui qui a trop perdu pour renoncer, d’autant qu’il est, au fond de son coeur, convaincu que la chance et les chevaux finiront par tourner à nouveau dans le bon sens. L’élixir, le cocktail de la catastrophe. De ces premiers temps d’apprentissage j’ai retenu une leçon tout simple : les immeubles d’habitation ressemblent souvent aux gens qui les habitent et qui aiment qu’on leur ressemble. La vie, c’est comme les canassons, fils : si elle t’éjecte, tu fermes ta gueule et tu lui remontes dessus tout de suite. Retrouvez Nathalie sur son blog
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Si tous les hommes n’habitent pas le monde de la même façon, tous les hommes ne voient pas non plus le monde de la même façon. LIRE AU LIT le blog |
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