Les internautes l'ont lu
coup de coeur
Chronique d’une génération, radiographie d’un couple.
Forcément, après Le bonheur national brut, l’attente était forte. Alors je suis d’autant plus reconnaissante à François Roux de ne pas m’avoir déçue, bien au contraire. Ce nouvel opus confirme le talent de l’auteur pour saisir ces liens complexes qui font une génération, et nous renvoyer un miroir qui nous aide à mieux nous comprendre. Tout ce dont on rêvait est une suite sans en être une et s’inscrit avec une logique implacable dans la bibliographie de François Roux, on y retrouve ses thèmes fétiches, la fin des illusions, la confrontation des idéaux à la réalité. Mais il nous offre ici une radiographie très convaincante d’un couple issu de la génération X, coincée entre l’héritage de parents soixante-huitards et les enfants du digital. Justine et Nicolas se sont rencontrés par hasard au milieu des années 90. Justine avait d’abord jeté son dévolu sur Alex, le frère de Nicolas, artiste beau gosse et bourreau des cœurs. Mais c’est bien Nicolas qu’elle a épousé, le solide, celui qui a abandonné ses rêves pour subvenir aux besoins de sa fratrie lorsque leurs parents sont morts accidentellement. Justine dont les rapports avec un père autoritaire et méprisant l’ont poussée à s’affranchir très vite des liens familiaux trouve en Nicolas le pilier rassurant qui lui permet de construire sa propre famille. Adèle puis Hector naissent à quelques années d’intervalle. Les années passent. Nicolas est directeur financier d’un grand palace parisien, Justine travaille dans le service addictologie d’un hôpital parisien. Tout semble aller bien jusqu’à ce que Nicolas fasse les frais d’une fusion et l’objet d’un licenciement. Lui, le pilier de la famille, l’homme sur lequel tout repose voit son existence et sa raison d’être totalement remises en question. Un déséquilibre, une perte de repères qui fragilisent tout son environnement, son couple et sa famille. A travers ce couple et les tourments qu’il traverse, François Roux fait le portrait d’une génération en panne d’idéaux, coincée par une injonction à réussir dans un monde du travail de plus en plus violent. Justine observe ce monde à travers les patients qui échouent dans son cabinet, victimes d’addictions directement générées par un travail qui représente toute leur vie et la seule justification de leur existence dans la société. Elle assiste en parallèle à la chute de Nicolas, dépouillé de ses attributs sociaux et se sentant de plus en plus inutile. Et seul. Car cette société du travail ne supporte pas l’échec (ça pourrait être contagieux) et les réseaux fondent à vue d’œil . Si la génération précédente n’est pas d’un grand réconfort, les membres de la suivante, les enfants de Justine et Nicolas peuvent au contraire être une source d’inspiration pour affronter l’hostilité d’un monde de plus en plus féroce dont ils ont déjà appréhendé l’essentiel. D’une génération à l’autre, on dirait que l’on se blinde de plus en plus… « Or les jeunes avaient changé, Justine s’en aperçut immédiatement, ils paraissaient avoir trouvé une façon plus apaisée de se coltiner les contradictions du monde que les adultes leur avait abandonné, de faire avec la globalisation des échanges commerciaux, avec les 244 000 nouveaux grands singes évolués à nourrir chaque jour, avec des conflits armés qui avaient pour première et triste conséquence la fabrication de monstres terroristes, avec une planète plus chaude d’au moins deux degrés selon les prévisions les plus optimistes et un Arctique peu à peu dépossédé de ses ours et bientôt envahi par toutes sortes de navigateurs de plaisance. » Dans ce monde régit par la finance et la réussite sociale, François Roux pose surtout la question de l’engagement d’une génération qui n’a pas eu à se lever pour défendre son pays ou des droits acquis de longue lutte par les générations précédentes. D’où un certain désenchantement face à l’offre politique que la génération suivante finira certainement de faire éclater en inventant d’autres modes d’action. Justine perçoit son métier comme une forme d’engagement politique. « Il lui paraissait par exemple d’une limpidité de cristal que l’addiction était la forme la plus aboutie de l’entreprise de séduction que le capitalisme avait initiée depuis une quarantaine d’années ». Tandis qu’Adèle explore déjà d’autres voies. Je vous l’ai dit, François Roux excelle à montrer ce qui fait une génération et ce qui la connecte ou l’oppose aux autres. C’est à la fois passionnant et précieux pour la compréhension de notre histoire récente. C’est un auteur que j’espère voir longtemps cheminer à mes côtés, dans une proximité et une connivence issus du monde que nous partageons mais qu’il sait tellement bien montrer et expliquer. Encore, s’il vous plaît ! Retrouvez Nicole G. sur son blog |
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