La rédaction l'a lu
Le roman d’une élection« Launay attendait ce moment, inconsciemment ou consciemment, depuis cinquante ans ». Voilà, on y est : Philippe Launay, personnage central du précédent roman de Marc Dugain, (« L’emprise », sorti en 2014)* accède à son rêve : il va devenir président de la république. Le lecteur gourmand retrouve dans ce deuxième volume de la trilogie, dont Dugain est en train de faire un film, nombre de personnages complexes qu’il connaît déjà : l’épouse de Launay, qui ne veut que lui nuire, le tortueux Corti, chef du renseignement, et surtout Lubiak, l’adversaire absolu. Le livre débute sur l’entre-deux tours de la présidentielle, moment crucial où s’installent les alliances, s’esquisse la configuration du gouvernement à venir, moment où Philippe Launay laisse entrevoir quelle sera la teneur de son règne. Marc Dugain prend visiblement un plaisir fou à tricoter son texte. Il construit avec beaucoup de maîtrise un thriller politique façon « House of cards » à la française, multipliant les chapitres courts, lapidaires, les surprises et revirements et, d’un personnage à l’autre, nous fait entrer dans les coulisses d’un milieu proprement effrayant, peuplé de personnages doubles ou triples, de destins exceptionnels et surtout de sombres desseins. La multiplication des références à notre vie politique très récente (un candidat nous donnant par exemple du « moi président » fort réjouissant) apporte une tonalité étrangement réaliste à ce roman noir, d’un noir assumé et provoquant, où les assassinats pour couvrir les secrets d’état sont monnaie courante, où la perspective de l’enrichissement personnel, à n’importe quelle condition, est ce qui fait courir la plupart des protagonistes. Au milieu d’une intrigue qui se complexifie de page en page, alors que la CIA comme les émirats viennent brouiller les pistes et défendre leurs intérêts, Terence Absalon, journaliste sans peur et sans reproche, est le petit grain de sable qui pourrait bien faire s’effondrer certaines ambitions. S’il n’est pas broyé avant, tout comme Lorraine, l’espionne intègre qui se débat dans un piège dont elle ne connaît même pas exactement les ressorts. Mais dans ce vertigineux univers, l’art de l’auteur se loge aussi dans sa façon de donner une épaisseur psychanalytique à ses personnages. Tous sont regardés à travers le prisme des relations qu’ils entretiennent avec leurs parents et leurs enfants. C’est cette inscription, réussie ou ratée, au sein d’une lignée qui détermine les personnalités selon Dugain. Et, sur le sujet, il ne nous épargne rien. * Regarder également l’entreVue de Sylvie Tanette avec Marc Dugain à l’occasion de la sortie de « L’Emprise » |
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