Marie Redonnet occupe une place à part dans le paysage littéraire contemporain ; elle ne publie pas beaucoup parce qu’elle est d’une haute exigence, ce qui rend son œuvre rare et précieuse. Elle s’est fait connaître du grand public avec « La Femme au Colt 45 » en 2016, et revient avec un triptyque assorti d’une postface autobiographique passionnante.
Trois histoires, trois personnages
L’univers de Marie Redonnet est imaginaire, avec des échos de la réalité, à la manière d’un Julien Gracq. Willy Chow, le personnage de la première histoire, dont ce n’est pas la véritable identité, habite un domaine entre mer et désert. Il dissimule un passé trouble de mercenaire et n’a de contact qu’avec les derniers habitants d’un hameau que la guerre a décimé ; les cendres du conflit, encore fumantes, sont attisées par un trafic d’armes avec les nomades du désert et un parti populiste agressif. La voix du deuxième récit est celle d’un chercheur appelé Douglas Marenko mais qui récuse ce nom, jeté en prison parce que soupçonné d’être un espion scientifique. La dernière héroïne, Tate Combo, est une réfugiée clandestine repérée par un photographe de mode qui lui fait subir une transformation esthétique à coups de bistouri, pour en faire une égérie de papier glacé. Au sommet de la gloire, le destin de la jeune femme prend une voie imprévisible lorsque des avions attaquent les tours d’une mégalopole.
En quête d’identité et de réalisation
Ces « rescapés », selon le mot de l’auteure, expriment tour à tour leur quête d’identité et leur désir d’échapper à la violence d’une humanité hors de contrôle. Les thèmes abordés sont bien ancrés dans notre présent : les migrations, les conflits de territoire, l’espionnage scientifique, les attentats… Les nouvelles donnes et l’instabilité du monde dépassent nos héros qui en fuient les éclats et font des choix radicaux pour sauver leur intégrité. Dans sa postface, Marie Redonnet revient sur son parcours d’écrivain engagé, à l’instar de ces voix multiples à la recherche d’un équilibre au milieu du chaos, et parle d’une « littérature qui réveillerait les désirs perdus d’émancipation ». Avec une écriture minimaliste, à la frontière du conte, le lecteur est entraîné dans un imaginaire singulier et poétique d’où il perçoit la rumeur du monde familier et transformé, en prise avec des enjeux contemporains passionnants.