Trois parties :
1. Le prisonnier. Joseph Kamal se retrouve en prison après un braquage qui a mal tourné. Non seulement il n’a plus de famille, il vient de perdre son frère lors de ce hold-up, mais l’univers de la prison ne lui épargne aucune violence physique ni aucune humiliation morale. Son quotidien est un cauchemar, pire, un enfer : la promiscuité avec les codétenus est une épreuve insoutenable.
2. La catastrophe. Une explosion nucléaire a eu lieu, « La moitié de l’Europe irradiée. La moitié de la France évacuée. » Joseph Kamal a réussi à s’échapper, il erre… (Partie de transition ?)
3. Le solitaire. Décidé à rester dans la zone contaminée pour éviter d’être repéré et éventuellement de nouveau arrêté, Joseph Kamal découvre la solitude extrême dans la nature avec comme seuls compagnons les animaux.
Bon, il faut tout de suite que je vous avoue que je n’ai pas bien compris le sens profond de l’oeuvre. Je suis donc allée écouter quelques interviews de l’auteur ici et là sur la toile et… je reste toujours aussi dubitative.
Que dit l’auteur ? Elle explique qu’elle a voulu montrer que si l’homme vivait difficilement avec les siens, il supportait aussi très mal la solitude. Je suis bien d’accord, ça me paraît à peu près évident, mais pourquoi avoir placé Joseph K. – tiens, ça me rappelle quelqu’un! – en prison ? Un tel choix a certes le mérite de proposer un symbole efficace de la condition humaine – « l’enfer, c’est les autres », n’est-ce pas ?- mais favorise-t-il l’identification du lecteur au personnage ? Il est permis d’en douter. Et pourtant l’auteur dit vouloir nous faire ressentir quasi physiquement ce que ses personnages vivent. Pourquoi alors ne pas avoir placé Joseph Kamal dans un cadre plus banal, le coeur d’une ville surpeuplée, par exemple, situation dans laquelle chacun peut se reconnaître ?
Second problème : l’organisation en parties bien distinctes : j’ai eu l’impression d’une espèce de collage un peu artificiel, de l’ordre de la démonstration – l’enfer de la promiscuité/transition/l’enfer de la solitude – et tout cela m’a donné le sentiment d’une mécanique un peu trop didactique.
Enfin, pour ce qui est de la robinsonnade, Sophie Divry avoue s’être inspirée du livre de Marlen Haushofer : Le Mur invisible, formidable roman qui raconte l’histoire, sous forme de journal, d’une femme qui, après une catastrophe mondiale, se retrouve seule dans un chalet en pleine forêt, séparée du monde par un mur invisible. Effectivement, les deux histoires sont proches et l’on sent très clairement que Sophie Divry n’avait qu’une hâte : en venir à cet épisode, le vrai coeur de son projet. Pour montrer quoi ?
Que la solitude est difficile et que finalement, il vaut mieux vivre parmi les hommes (même en prison) ? Je trouve que le lecteur est laissé un peu à la surface des choses et dans l’impossibilité de se saisir d’un indice qui lui permettrait de tenter une analyse, de se lancer sur une piste philosophique, métaphysique…
Autre élément qui m’a beaucoup gênée : le passage du « je » au « il », du point de vue interne au point de vue omniscient, ce qui produit un effet étrange. Je pense qu’il aurait mieux valu se décider pour l’un ou l’autre. J’ai trouvé que ce « choix » relevait plus d’une hésitation. Peut-être aurait-il été préférable d’opter pour un point de vue omniscient afin d’éviter l’écueil du langage banlieue dont on sent ici un peu l’artificialité…
Pour conclure, je dirais que la très belle écriture poétique de Sophie Divry ne m’a pas permis, cette fois, d’oublier totalement des partis pris romanesques moyennement convaincants et un message qui m’a semblé assez convenu.
Cela ne va certainement pas m’empêcher d’attendre avec impatience son prochain roman, car Sophie Divry a du talent, et ça, j’en suis bien persuadée !
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