« Tu es l’Interdit en jupon, l’Innommable, le Scandale, la Révolution. Tu es le jeune sabot qui frappe les fesses paternelles. Ta vérité désosse méticuleusement la vieille morale conservatrice. Tu es celle qui montre du doigt. La blanche voix qui accuse et dénonce l’insoupçonnable. Tu t’appelles Violette Nozière et ton nom est inviolable. Il dit tout et n’épargne rien ni personne. »
Etre un personnage, devenir une héroïne ! Quelle aubaine, quelle joie ! On comprend l’enthousiasme de celle qui vouait une admiration sans borne à la divine Greta Garbo quand Raphaëlle Riol l’invite à sa table de travail. Violette Nozière a, il est vrai, un destin digne d’un roman. Dans les années trente, la demoiselle a défrayé la chronique, agité les journalistes, fasciné les surréalistes, indigné la droite et passionné la gauche. On la photographie à tout va, on fouille dans les moindres recoins de son existence, on la fustige, on l’idolâtre, on la victimise. Mais qu’a-t-elle donc fait, cette jeune femme de tout juste dix-sept ans pour figurer en haut de l’affiche ?
Un parricide, rien de moins. Violette, encore mineure, a délibéremment empoisonné père et mère – Madame Nozière s’en sort indemne – dans leur petit deux pièces de la rue de Madagascar à Paris. Une promiscuité qu’elle ne supportait plus, des parents qu’elle exécrait. Elle étouffait. Leur amour l’un pour l’autre l’avait isolée d’abord puis l’avait répugnée. Elle, elle avait envie d’espace, de confort, d’amusement, de belles robes, de grands parfums, de danses, de chants, d’ivresse, d’hommes, de beauté… elle avait soif d’indépendance, de liberté… et puis, elle voulait voir la mer aussi, son immensité, sa plénitude, son ressac, respirer loin de tout ça, de la vie étriquée qu’on lui faisait subir. Son souhait était de sortir du carcan, de la contrainte.
Mais le plaisir se paye alors Violette fait l’école buissonnière, vole, se prostitue, côtoie alternativement les gens de la bonne société et les bas-fonds, entretient son amant Jean Dabin qu’elle aime tant, ment, invente, idéalise. Un train de vie qui l’épuise et voilà que la maladie s’en mêle : la syphilis.
La dérive s’amorce, elle vole de l’argent à ses parents qui s’en aperçoivent, c’est la dispute de trop… coup de folie, coup de sang, elle arrive un jour munie d’une fausse ordonnance et de sachets de cachets censés protéger ses parents de sa maladie contagieuse. On connaît la suite.
Evidemment, l’auteure ne s’est pas contentée d’un récit de fait divers. Avec brio, elle enchevêtre réalité et fiction, dialogue avec le fantôme de Violette, avance des hypothèses. Ecrivain et personnage se confondent parfois. Une association qui permet de comprendre la phase et la force créatrice de l’auteure, sa proximité avec ceux qu’elle fait évoluer sous sa plume, et inversement le pouvoir que peut prendre un personnage, lui dictant sa conduite. D’ailleurs, Violette aura le dernier mot dans l’histoire…
Un roman passionnant, astucieux, audacieux, et juste ce qu’il faut d’irrévérence avec un éclairage fort intéressant sur une époque, l’apparition des médias, les clivages politiques et les balbutiements de l’émancipation féminine.
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