|
|
Confirmez la suppression de votre critique
Vous pourrez en écrire une autre plus tard.
Un cadenas sur le coeur
Laurence Teper
QUIDAM
janvier 2019
196 p. 19 €
|
|
Les internautes l'ont lu
Tout de suite, ce livre a piqué ma curiosité. Très vite, j’ai senti que le ton léger du départ n’allait pas forcément donner lieu à un dénouement très heureux. Restait à savoir lequel.
C’est l’histoire d’une famille, enfin de deux familles et de ce que racontent les uns et les autres pour arranger une vérité un peu différente de la réalité. C’est l’histoire de ce que certains ont vu et de ce que d’autres ont refusé de voir soit parce qu’ils étaient bien trop jeunes pour saisir le sens de ce qui se passait sous leurs yeux, soit parce qu’ils savaient qu’ils allaient en souffrir.
Ah, ce rapport au réel, à la vérité ! Chacun se débrouille comme il peut… sauf que parfois, les conséquences de ces petits arrangements sont bien plus graves que ce qu’on aurait pu imaginer, si tant est qu’on puisse imaginer quelque chose…
Le roman débute donc sur la plage de Saint-André-de-Gironde et les personnages, dont les noms ne seraient pas déplacés dans une comédie de boulevard, se nomment Messieurs et Mesdames Meunier et Coquillaud et ils sont accompagnés de leurs enfants respectifs. Tout ce petit monde se retrouve comme chaque année l’été et tandis que Monsieur Coquillaud se promène longuement avec Madame Meunier, Monsieur Meunier s’occupe des gamins, les surveille, leur donne leur goûter. Quant à Madame Coquillaud, elle reste au logis.
Voilà à peu près le tableau et j’imagine que vous voyez très bien le hic. Sauf que, lorsqu’on vit la chose, on n’a pas forcément le recul nécessaire pour l’analyser. Et c’est bien le problème de Claire, la fille des Meunier, qui se pose bien deux trois questions mais, pour le moment, ne va pas plus loin dans ses interrogations. Et c’est bien dommage, car tout le monde sait que les non-dits, les mensonges ou les semi-vérités se débrouillent toujours pour creuser tranquillement leur petit trou dans le fin fond de notre inconscient et finissent par nous laisser des traces plus profondes que des tranchées…
Bon, on peut le dire, les premières lignes sont assez drôles, l’humour est omniprésent : on frôle la comédie, le vaudeville. Les personnages, assez caricaturaux dans leur présentation, font sourire : ils sont tous vaguement ridicules, la palme revenant à ce Monsieur Georges Coquillaud, chef d’une PME d’assurances qui, sur la plage de Saint-André-de-Gironde, se proclame « Chef de tribu africaine » (!), « Père de l’Humanité » et révolutionnaire ! Rien que ça !
La mère Meunier, elle aussi, vaut son pesant de cacahuètes : elle ne s’intéresse « ni à grand-chose ni à grand monde », balance les tiroirs mal rangés de sa fille par la fenêtre et s’enferme dans sa chambre tout le week-end quand elle le juge nécessaire. Pas plus équilibrée que ça, la mère !
Donc, le début du roman est assez léger, c’est l’acte I d’une pièce de théâtre qui n’en est pas une ou d’un roman qui ressemble de plus en plus à … non, pas à une tragédie… quoique…
Car effectivement le ton change et la narration très distanciée du départ devient petit à petit plus personnelle, intime, et l’on finit par se demander si c’est toujours le même roman qu’on est en train de lire… Mais je ne vous raconte rien… Suspense !
En fait, je ne sais pas pourquoi mais je n’ai cessé de penser à Maupassant en lisant ce texte : cette petite ironie dans la présentation de ses personnages, le « pas bien grave » du début, le badin, l’ordinaire qui va déboucher progressivement et subrepticement sur quelque chose de bien plus sombre , voire de franchement terrible… Je me suis demandé à plusieurs reprises si ce roman avait une dimension autobiographique… Qu’importe au fond…
J’ai lu ce livre d’une traite et vraiment, il m’a beaucoup plu : on se passionne pour l’enquête menée par la jeune Claire sur son passé !
Une seule petite restriction concernant… le titre ! Un peu fleur bleue, littérature à l’eau de rose. « Une vie » aurait été parfait, mais laissons à Maupassant ce qui lui appartient. (Je me suis amusée à chercher un titre et j’ai trouvé : « Tout reprendre »… les premiers mots de… Mais bon, faudra qu’on s’organise une petite soirée pour en discuter…)
LIRE AU LIT le blog
coup de coeur
Dévoilements
C’est une très bonne surprise que ce premier roman : une histoire de famille, de secrets, de mensonges, la vie d’une enfant puis d’une femme empêchée par la honte et l’impossibilité de connaître une vérité interdite, prix de la liberté. On a l’impression d’avoir déjà lu ce genre de roman, et pourtant Laurence Teper réussit à ferrer son lecteur dès le début, dans un équilibre subtil entre vaudeville bourgeois et drame intime.
Claire Meunier naît en 1963. Tous les étés, sa famille passe les vacances au bord de la mer avec les Coquillaud. Monsieur Coquillaud et Madame Meunier travaillent ensemble, et leur complicité n’échappe à personne. En privé, la mère de Claire est dépressive, colérique, méprisante. Son mari la qualifie de « folle », mais subit son caractère, non sans confier à sa fille ses insatisfactions les plus intimes. Claire grandit, fait des études et travaille dans l’édition. Un jour, la fille de Georges Coquillaud lui annonce qu’elles ont le même père. C’est la stupéfaction, l’effondrement. Claire voudrait poser des questions mais on lui impose le silence : la vérité serait un poison mortel. Alors, effrayée et obéissante, la jeune femme garde ses interrogations pour elle au détriment de sa propre vie, qu’elle bâtit sur le mensonge et une ignorance qui la ronge, jusqu’à ce que, ne se satisfaisant plus de « tenir » au lieu de vivre, elle décide de prendre les choses en main : puisque personne ne veut parler, elle va mener sa propre enquête. Avec une approche qui n’est pas sans évoquer la psychogénéalogie, Claire va travailler à éclairer les zones d’ombre familiales. En exergue, la phrase de Schopenhauer illustre son parcours avec une grande pertinence : « Toute vérité franchit trois étapes. D’abord elle est ridiculisée. Ensuite elle subit une forte opposition. Puis, elle est considérée comme une évidence ». Le grand plaisir de lecture tient au rythme vif, à la quête, aux personnages de cette France des années 1970 et 1980, à la dose de légèreté et de résilience, et à l’héroïne qui possède un fort potentiel d’identification ! Coup de cœur pour ce roman touchant.
« Et de temps en temps, il lâchait un « je sais tout cela, je le sais, d’ailleurs, je sais tout. » »
Il faut ouvrir ce premier roman en n’en sachant rien, comme ça, comme le premier de 2019. On apprécie les exergues, dans un premier temps, le fameux « all is true » du père Goriot, et ceci :
« Toute vérité franchit trois étapes. D’abord elle est ridiculisée. Ensuite, elle subit une forte opposition. Puis, elle est considérée comme une évidence. » Arthur Schopenhauer.
C’est un roman découpé en trois actes, comme au théâtre.
Acte 1 : présentation des personnages, à hauteur d’enfant puis d’adolescente.
Acte 2: révélation
Actes 3 : retournement de situation et enquête.
Le ton évolue lui aussi, d’abord volontiers caustique et moqueur, il se fait candide et fragile avant de prendre de la vigueur et de trouver sa voie en épilogue. Le tout nous raconte Claire Meunier bien décidée à connaître la vérité sur sa naissance, sa famille, ses origines. Et c’est passionnant ! Une quête des origines qui évite les pièges du convenu, du larmoyant ou de la farce outrancière, qui a su trouver la juste distance et accroche le lecteur très habilement.
|
|
|
|
|
|