Voici un chien fou qui vient gambader au milieu de la rentrée littéraire, un titre inattendu resté sous embargo jusqu’à la dernière seconde, l’invité suprise de l’automne : « Un personnage de roman » de Philippe Besson, qui vit une année exceptionnelle lui dont le roman paru en janvier dernier (« Arrête avec tes mensonges ») fut un best-seller. Deux succès en quelques mois, qui dit mieux ?
Sans censure et sans relecture
Il y a trois ans, à l’occasion d’un dîner parisien, l’écrivain rencontrait Emmanuel et Brigitte Macron. Lui était encore ministre, tous trois étaient passionnés de littérature et entre deux discussions autour du « Rouge et le noir » et de « Madame Bovary », ils sont devenus amis. Les mois qui ont suivi ont été riches en événements : démission du gouvernement, création du parti En Marche, candidature à la présidence de la république… En assistant à cette irrésistible ascension, Philippe Besson a commencé à prendre des notes et a soumis son projet à Emmanuel Macron : écrire le livre de sa campagne électorale.
Sans censure, sans relecture, sans corrections. Mais avec une parution en cas de victoire uniquement, ce qui à l’époque semblait peu probable. « Je n’imaginais pas qu’il pouvait devenir président » se souvient l’écrivain. « Mais quand j’ai vu, après sa démission de Bercy, qu’il partait à l’abordage et qu’il allait se présenter, j’ai pensé qu’il y avait matière à littérature.» Considérant donc ça un peu comme un jeu ou un exercice de style, Philippe Besson s’est peu à peu laissé embarquer dans l’aventure, il a assisté aux meetings, disséqué les discours jusqu’au jour où, comme tout le monde, il a compris que, contre toute vraisemblance, Emmanuel Macron risquait bel et bien de devenir président.
La vie n’est pas finie
Construisant cette odyssée un peu comme un livre à suspense (dont on connaîtrait le dénouement toutefois), l’auteur devient de plus en plus fasciné au fil des pages et des semaines, il se laisse même parfois bluffer par son personnage. Les rumeurs ? Emmanuel Macron les balaye d’un revers de la main. Les critiques ? Autant de stimulations. On assiste à son irrésistible progression qui a connu quelques petits trous d’air et beaucoup d’imprévus.Â
Respectant sa parole, le président n’a découvert le texte que lorsqu’il était trop tard pour y apporter la moindre correction et a prononcé ce verdict : « c’est le témoignage d’une amitié sans complaisance ni compromissions. » Philippe Besson a désiré poursuivre un tout petit peu l’expérience au-delà du 7 mai 2017 et une ultime entrevue a eu lieu à la Lanterne, en juillet dernier. Sachant qu’Emmanuel Macron avait toujours rêvé de devenir écrivain, qu’il cachait même quelques manuscrits dans son tiroir, il lui posa cette question : « Pas de regret de ne pas être devenu écrivain ? » La réponse d’Emmanuel M. résume son parcours : « La vie n’est pas finie. » Après l’Elysée l’Académie française ? Comme nous le montre ce récit, tout est possible.
Soazig de la Moissonniere / IP3
