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Pour le Goncourt 2019
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« Une bête au paradis » de Cécile Coulon
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Rural noir
« Vous êtes arrivés au Paradis » indique le panneau. Est-ce le Paradis ou plutôt l’enfer depuis qu’Emilienne (la matriarche) élève Blanche 5 ans et son petit frère Gabriel, ses petits-enfants, orphelins de Marianne et Etienne disparus dans un accident de voiture? Le Paradis, c’est la ferme, les animaux, les tâches journalières, la vie est dure tout comme Emilienne qui peut cependant aussi avoir le cœur tendre. Veuve, elle fait tourner sa ferme grâce à Louis le commis qu’elle a recueilli enfant, battu par son père, un écorché qui essaie de se trouver une place au Paradis. Le temps passe, Blanche grandit, Alexandre est son ami à l’école, un enfant du village, fils de la femme de ménage de la mairie et d’un employé des chemins de fer. Ils ont une vie médiocre, sans artifice dans une maisonnette étriquée. Blanche est convaincue qu’Alexandre est l’amour de sa vie et que comme elle il est attaché aux terres, à leur campagne mais il ne l’entend pas comme elle et part à la ville faire des études de commerce. Il succombera aux sirènes de la ville. Blanche est dévastée, meurtrie mais c’est une battante, une guerrière comme Emilienne, elle ne s’avoue pas vaincue, elle va se battre pour faire tourner son Paradis, avancer contre vents et marées. C’est un roman rural, noir que nous propose Cécile Coulon. Chaque chapitre porte le nom d’un verbe, d’une action et donne le ton. « Faire mal », « protéger », « construire » … il donne le rythme.. Ce roman nous parle de la terre, de la vie en milieu rural, des racines, de l’attachement à la terre mais aussi d’exode. Il nous dépeint des personnages extrêmement aboutis psychologiquement, des êtres voulant vivre, aimer mais aussi de comment l’amour peut devenir de la haine, de la vengeance. Passion, liberté, renoncement, fatalité, trahison. La plume est juste, humaine, fluide. C’est captivant, passionnant. Mais qui est la bête qui trouble ce paradis ? Lisez, vous le saurez. Gros coup de cœur de cette rentrée littéraire. ♥♥♥♥♥ Les jolies phrases Elle aimait cet homme à la manière d’un animal qui suit le maître qui le bat chaque matin pour le caresser chaque soir. Non pas qu’il voulût lever la main sur Blanche : au contraire, cette main qui enfonçait des pieux de bois dans cette terre mouillée du Paradis, menait les vaches aux prés, cette main il voulait qu’elle danse autour des cheveux de Blanche, qu’elle frôle sa nuque, qu’elle l’enveloppe comme quelques années plus tôt l’édredon avait adouci ses blessures. Très tôt, sa grand-mère lui avait expliqué que le corps des femmes était « une ville » et celui des hommes « un village ». Les formes des femmes changeaient sans cesse, évoluaient, se répandaient à la vue des autres, la peau se gonflait en certains lieux et se creusait ailleurs, tandis que le corps des hommes, passé l’adolescence, gardait son aspect et sa taille initiale. L’âge et l’alcool pouvaient l’arrondir, mais il ne se métamorphosait pas. Blanche devait selon sa grand-mère, se préparer à de grands changements. Sa petite ville deviendrait plus vaste, plus grosse, plus désirable. Comme deux chevaux de labour, Blanche et sa grand-mère tiraient Gabriel, un garçon naïf, cassé par la mort de ses parents, à travers les plaines de son chagrin. Il passait sa vie à fouiller dans le regard des autres, dans leurs gestes, les méandres de leur âme, pour s’y faufiler gentiment, sans violence, avec cette aisance extraordinaire bien qu’agaçante et cruelle. Il scruta son visage : elle avait vieilli. Ses yeux disparaissaient enfoncés dans les rides qui les mangeaient, rivière jamais rassasiée. Le vert si dur, si beau de ce regard avalé par le temps se transformait en gris, un gris de terre, un gris de jument, un gris qui ternissait tout, amplifiait les petites peurs, les angoisses sans importance. Il ne faisait pas partie de la famille. Il était employé ici. On ne lui avait rien dit, parce qu’on attendait de lui ce qu’on attendait d’un commis de ferme. Nourrir les poules. Nettoyer la cour. Inspecter la grange. Trier les oeufs. Traire les vaches. Il ne faisait pas partie de la famille, il faisait partie de la ferme. Louis avait oublié ce que c’était d’être du paysage sans être de la photo. Retrouvez Nathalie sur son blog La terre à tout prix
Dans une ferme appelé Le Paradis, une vieille femme, Blanche, dépose des fleurs dans un enclos à cochons abandonné. Il n’y a plus de bête dans cet enclos sauf une : Blanche. Dès les premières pages, le lecteur est prévenu : longtemps avant cette scène, un drame s’est produit dans la ferme. Que s’est-il passé ? Pourquoi le narrateur désigne-t-il Blanche ainsi ? Qu’a-t-elle fait ? Est-elle vraiment la bête que nous annonce le titre ? |
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