Vanda a vue sur la Méditerranée… Plus exactement le cabanon vétuste dans lequel vit Vanda s’ouvre sur la Méditerranée dans laquelle elle plonge pour oublier un quotidien douloureux : un boulot précaire et mal payé de femme de ménage dans un hôpital psychiatrique, un logement décrépi et sans fenêtres qui ressemble à tout sauf à un vrai logement, une voiture en fin de vie qui menace à tout moment de la laisser en rade sur le bord de la route…
À cela s’ajoute le retour inattendu d’un homme qu’elle connaît bien, qu’elle a aimé, il y a sept ans, autant dire dans une autre vie, et qu’elle a perdu de vue. C’est du passé tout ça… Et le voir revenir là où elle vit, à Marseille, la rend mal à l’aise…
Il veut boire un verre avec elle. Elle n’est pas plus emballée que ça. De l’eau a coulé sous les ponts depuis ce temps-là. Elle a tourné la page et lui d’ailleurs s’est trouvé une petite Parisienne avec qui il vit. Alors à quoi bon se revoir ? Pour dire quoi ? Elle finit par accepter, pour être sympa. Elle a appris qu’il était là pour l’enterrement de sa mère. Elle est devant lui maintenant et boit son coca. Ils n’ont pas grand-chose à se dire. Elle s’en doutait. La conversation patine autour de deux trois banalités.
Et puis, tout à coup :
« – J’imagine que tu veux voir Noé ?
– Qui ?
– Ton fils. »
Vanda est l’histoire de cette femme marginale qui a élevé seule son enfant, luttant chaque jour parce que le quotidien n’est pas réjouissant et qu’une galère en appelle forcément une autre… Ça s’appelle la loi des séries… Accumulant ici et là des petits boulots mal payés, des fins de mois impossibles, des emmerdes, des errances, elle se bat bec et ongles pour protéger son enfant et sa liberté… Une vraie tigresse qui gueule sans cesse, résiste comme elle peut, se débat dans un monde étriqué, normé, injuste, bref pas fait pour elle.
Mais Vanda, c’est aussi l’histoire de Simon, ce père qui ne savait pas qu’il était père et qui comprend, en même temps qu’il fait la connaissance de son fils, qu’au fond, sa vie parisienne n’a pas beaucoup de sens, qu’il s’est leurré et a peut-être fait fausse route. Son malaise est profond, violent, douloureux. Après avoir réglé les affaires de sa mère, il doit rentrer à Paris. Pourtant, il reste. Retourne voir Vanda. Voir son fils.
Et Vanda n’en peut plus de cet homme qui s’immisce chaque jour davantage dans sa vie, sa vie à deux, avec Noé.
Marion Brunet a incontestablement une écriture qui cogne, heurte, fait mal. La phrase est rythmée, heurtée. Elle mime un réel violent, douloureux, fait de coups et de chocs, de querelles et de malentendus. Et le lecteur est saisi, accroche, craint le pire pour cette femme prise au piège dans un monde cruel et impitoyable pour les petits, les laissés-pour-compte, ceux qui tentent de maintenir leur tête hors de l’eau parce qu’ils ne savent pas nager et refusent de couler. Vanda est de ce monde. À chaque pas de côté (et ils sont nombreux), ivre de colère, emportée par la fureur, elle frôle le ravin, le sait, mais, la peur au ventre et la rage au coeur, elle continue à longer le bord, comme pour jouer avec une vie qui ne lui fait pas de cadeau. Elle est tragique, Vanda, et l’on sent qu’à tout moment, sa vie peut définitivement basculer…
Un texte brutal, acéré, puissant qui traduit bien le côté animal et instinctif de Vanda, la sauvagerie dont elle est capable lorsque l’on s’approche de ce fils dont elle est folle d’amour…
Même si c’est son père…
La dimension sociale, engagée, du roman fait sans cesse référence à l’actualité : gilets jaunes, précarité de l’emploi, souffrances de l’hôpital public… La crise est là et Vanda en est la victime… D’aucuns diraient qu’elle l’a cherché et qu’au fond, tout est de sa faute. Peut-être un peu aussi…
Un roman intense et glacial, reflet du monde terrible qui est le nôtre…
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