Villa triste
Patrick Modiano

Gallimard
mai 2009 - 1ère parution 1975
208 p.  6,80 €
ebook avec DRM 6,49 €
 
 
 
 La rédaction l'a lu
o n  l  a  r e l u

Villa triste

C’était mon premier Modiano, son quatrième roman je crois. Au fil des années, j’ai lu ceux qui précédaient et les suivants, à la recherche de la sensation de la première lecture, qui m’a poursuivie longtemps.

Un voyage en Grèce. J’avais dix sept ans. Une petite terrasse surplombant la mer, la montagne, les maisons blanches et le ciel turquoise. Nous étions trois comme les personnages de « Villa triste ».  Comme eux, nous flottions entre abandon et lenteur, Je revois une tête sur une épaule, une main dans une chevelure emmêlée. Il faut se concentrer sur les photos pour reconnaître les visages.

Parce que nous lisions Modiano, nous savourions ces journées et aspirions à les fixer. Parce que nous lisions Modiano, nous les savions éphémères, comme notre jeunesse.

L’histoire se déroule le temps d’un été, dans une ville de villégiature, au bord d’un lac en Haute Savoie. Le narrateur avait notre âge. Douze ans après, il revient sur les lieux, marche à reculons, à l’aveugle, et tente de faire resurgir ce qu’il a oublié. Elle s’appelait Yvonne, (c’est si facile d’oublier l’état civil des gens qui ont le plus comptés), elle lui avait souri et il avait décidé que ce jour était le plus beau de sa vie, elle était actrice, un peu plus âgée que lui, toujours accompagnée par son ami d’enfance. De chambres d’hôtels aux salons des villas, des longues avenues aux rues tortueuses, qui mentait à qui ? Yvonne avait un accent mais d’où ? Les identités sont troubles, les existences auréolées de mystère. Le narrateur déambule comme dans un rêve, évitant les gestes trop brusques et les questions précises, pour ne pas se réveiller. Les noms et les lieux égrenés, sont des repères rassurants même si fantomatiques. Comme les parfums, celui du jasmin, ou des images devenues floues qui redeviennent nettes un instant. Des cheveux auburn, une robe verte et une écharpe qui vole.

Comme eux, nous n’aurions jamais dû nous séparer, une autre vie aurait pu commencer. Ces moments sont fixés et liés inexorablement aux pages de « Villa triste »: « Je me dis qu’elle vivait ce moment de la jeunesse où tout va bientôt basculer, où il va être un peu trop tard pour tout. Le bateau reste à quai, il suffit de traverser la passerelle, il reste quelques minutes… Une douce ankylose vous prend. »

 

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