l a c r i t i q u e i n v i t é e Ilana Moryoussef (France Inter) a aimé » « J’ignorais que l’ancienne traduction de « La Montagne magique » était aussi imparfaite. Et pourtant le livre, que j’avais lu il y a longtemps, m’avait déjà fait forte impression. Il avait été publié en français à la hâte, peu de temps après que Thomas Mann remporte le prix Nobel en 1929, et peut-être le traducteur a-t-il manqué de temps. C’était il y a plus de quatre-vingt ans et la pudeur n’avait pas les mêmes codes. Par exemple, Claire de Oliveira traduit un mot allemand par « merdique » alors que l’ancien traducteur avait tenté un « brenneux » pioché dans Rabelais mais que personne ne comprend ! Il y aussi une forme d’humour qui n’apparaissait pas auparavant et qui est, ici, mise en valeur. J’aime aussi beaucoup la façon dont Claire de Oliveira a travaillé. Elle est professeur d’allemand, mais a consacré cinq ans de sa vie à cette tâche qu’elle a conçue comme une véritable enquête. Elle s’est rendue à Davos, au sanatorium transformé aujourd’hui en hôtel, mais où il reste plein de choses de l’époque. Elle a mis ses pas dans ceux de Thomas Mann, s’est plongée les auteurs qu’il lisait pour capter l’air du temps. J’avais oublié aussi à quel point ce roman est contemporain et Thomas Mann engagé et clairvoyant. J’aime enfin cette anecdote : Claire de Oliveira est d’origine portugaise. Alors pourquoi traduire de l’allemand ? Parce que lorsqu’elle était enfant, alors que sa famille passait les vacances en Autriche, elle s’est perdue dans la forêt. Ce sont des gens de la région qui l’ont raccompagnée à l’hôtel. Depuis, pour elle, l’allemand représente la langue du réconfort. » Lire les choix d’autres critiques invités Propos recueillis par Pascale Frey |
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