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o n l a v u M’entends-tu ? « Sex and The City » chez les invisibles. C’est la proposition audacieuse de « M’entends-tu ? ». Une série québécoise diffusée sur Netflix en France. Les invisibles sont des filles. Elles le sont car elles vivent dans un endroit où la télévision pose rarement ses caméras sauf pour y raconter des affaires policières sordides. Des quartiers de misère où payer son loyer est un combat quotidien. Un Montréal qui ne fait pas rêver. Un Montréal où la débrouille est un mode de vie. La prostitution, pas une grande affaire. La violence et le racisme, banals. Et le chômage, la règle. Ada, Fab et Caro ont une vingtaine d’années et déjà l’expérience de trois vies. Leurs illusions sur le genre humain, si elles en ont eu, se sont envolées depuis longtemps. Les trois amies sont en mode survie dans un monde qui n’a jamais été enchantées. Pourtant, elles y trouvent de la poésie. La force de leur amitié. Celles aussi des toutes petites choses. Pour échapper à une peine de prison après un accès de colère, Ada doit se rendre chez le psy. Sa résistance à se raconter dit tout. Comment mettre des mots sur la découverte qu’une mère doit se prostituer puis boire à en tomber par terre pour survivre ? Comment vivre avec l’idée qu’il n’est pas improbable d’être la fille d’un de ses clients ? Comment confesser que pour payer le loyer on doit partir loin dans sa tête pour oublier ce que le corps est contraint d’accepter ? C’est ce genre de questions que fuit Ada. La fuite est aussi salvatrice pour Fab dont la soeur est junkie et la mère en fin de vie. Seule en charge de sa nièce et seule à pouvoir bosser. Sa fuite à elle est plus conforme à la norme imposée par la société. Elle trouve refuge dans le chant que sa voix puissante lui permet d’investir. La foi et la boulimie font le reste. Elle semble mieux barrée. Mais accepte d’être l’instrument d’un camé pour quelques grammes d’amour frelatés. Enfin il y a Caro, la taiseuse. Pour ne pas dire ce qui la détruit, elle lit. Surtout de belles choses. Comme « Des souris et des hommes » de Steinbeck. Mais les pages et les personnages ne la soignent pas. Ils anesthésient une douleur qui revient par vagues et par flashs toujours plus violents. Et pourtant… Pourtant, dans cet abime de souffrance et d’injustice, il y a une énergie de vivre intarissable. Comme si leur enfance, même volée, était plus forte que tout. Comme si la candeur était coups durs résistante. Comme si Ada, Fab et Caro, en mettant en commun ce qui leur restait de vitalité pouvaient continuer de rêver d’arriver un jour à vivre la vie dont elles rêvaient. Portée par un magnifique trio d’actrices, dont la créatrice Florence Longpré, et par une écriture corrosive qui raconte la misère aussi crument que « Sex and The City » racontait le glamour, « M’entends-tu ? » est un cri qui porte. La sincérité plus forte que tout. Même l’invisibilité. |
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