o n l a v u Un important choix d’œuvres de la collection d’art nabi et fauve constituée par le couple suisse Arthur et Hedy Hahnloser entre 1905 et 1936 est exposé pour la première fois en France. D’un artiste à l’autre, l’accrochage compose un bouquet inestimable de Vallotton, Bonnard, Vuillard, Manguin, Matisse avec, achetés sur les conseils des artistes, quelques tableaux de leurs aînés : Cézanne, Manet, Renoir, Van Gogh et une superbe sélection d’Odilon Redon. De La Blanche et la Noire (1913), audacieuse « Olympia inversée » à la ligne pure et couleurs contrastées de Vallotton, aux virtuoses compositions révélatrices de l’art de peindre de Bonnard (Effet de glace, 1909) ou de Matisse (Nice, cahier noir, 1918), la liste des découvertes serait longue à dresser. On notera un festival de bouquets peints par ces maîtres. À l’image de ces grands bourgeois modernes et de leur villa Flora si accueillante, on est reçu avec raffinement à Marmottan. À nos yeux de 2015, ni faute de goût, ni hardiesse esthétique dans ce rassemblement. Sauf qu’en 1905, alors que flotte un parfum de scandale au Salon d’Automne qui consacre Les Fauves, vouloir connaître et soutenir les artistes de son temps ne va pas forcément de soi dans la grande bourgeoisie. Qui plus est quand on réside à Winterthur, grosse ville du canton de Zurich. C’est l’intérêt du catalogue de décrire l’histoire de cette collection. Bien sûr, les scènes et décors familiaux, les formats en constituent les indices mais la conservatrice de la villa Flora, Angelica Affentanger-Kirchrath, y retrace sa genèse. Sa synthèse aussi, tant la collection se concentre sur les relations d’amitié avec les artistes comme l’écrit la petite-fille d’Arthur et Hedy, Margrit Hahnloser-Ingold. Arthur est chirurgien ophtalmologue. Les études artistiques d’Hedy, son rêve d’être peintre auquel elle renonce pour se consacrer aux arts décoratifs, l’ont rendue sensible aux coloris, aux œuvres et aux artistes. Elle achète, puis pousse les murs de la Villa Flora pour eux. Mais c’est une passion de couple qui opère. Lors de leurs séjours parisiens, pour protéger la santé fragile d’Hedy, Arthur visite le matin ateliers et galeries, puis le couple achète ensemble l’après-midi. Leurs premières acquisitions se sont portées sur des peintres locaux, dont Giovanni Giacometti (père d’Alberto), qui fait découvrir aux Hahnloser la peinture des nabis. On file alors à Paris, où le couple se lie avec Félix Vallotton. Celui-ci leur fait rencontrer Vuillard, Bonnard, puis Manguin, qui les introduit auprès de ses amis fauves. Se dessine ainsi une géographie de la collection, de la Suisse en passant par Paris jusqu’à la côte d’Azur, où les Hahnloser passent l’hiver et le printemps à partir des années vingt, suivant la migration vers la lumière de la Méditerranée de leurs amis peintres. Le plus remarquable est qu’au fil de l’exposition, on ressent cette géographie colorée, passant des bleus et verts des paysages suisses aux couleurs éclatantes du midi, à sa lumière. À l’image de Promenade en mer (1924), commande d’un portrait de famille que Bonnard a longtemps esquivée : « Je ne demande pas mieux, chers amis, donnez-moi l’aspect enchanteur qu’il me faut pour un tableau et je vous le ferai. » Il fallut cette sortie en mer pour que Bonnard trouve « la source d’inspiration dans le bleu-gris délavé de la veste en laine que Hedy avait revêtue », rapporte Margrit Hahnloser-Ingold. Ainsi naît dans l’atelier le grand format carré où le bleu de la blouse d’Hedy se dissout entre mer et ciel, où les traits d’Arthur se mélangent à ceux de l’artiste, et où l’immense voile blanche absorbe le regard donnant la sensation de se métamorphoser en particule de lumière. Belle promenade de fin saison. |
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