Tatiana de Rosnay
LGF/Livre de Poche
Le livre de poche
septembre 2010
415 p.  7,20 €
 
 
 
Tatiana de Rosnay
Le Livre de Poche
litterature doc
août 2011
280 p.  7,10 €
 
 
 
Tatiana de Rosnay
Le Livre de Poche
litterature doc
mars 2013
192 p.  6,60 €
 
 
 
Quelle lectrice êtes-vous Tatiana de Rosnay

 

D’aussi loin qu’elle se souvienne, Tatiana a lu. Et écrit. Ses premières lectures furent en anglais, ses premiers écrits d’enfant aussi. Et puis elle passa au français, langue dans laquelle elle a publié plusieurs romans, avant de renouer avec sa langue maternelle (au sens propre) pour « Elle s’appelait Sarah ». C’est une lectrice enthousiaste et insatiable. En attendant la prochaine adaptation au cinéma de « Boomrang » avec Mélanie Laurent et Laurent Lafitte et la parution de son recueil de nouvelles, « Son carnet rouge », le 30 avril prochain, elle partage avec nous ses coups de cœur d’hier et d’aujourd’hui.

 

Quels sont vos premiers souvenirs de lecture ?

Mes premiers souvenirs sont en anglais, puisque ma mère est anglaise et m’a toujours parlé anglais. Et parce que j’ai grandi aux Etats-Unis, à Boston, où mon père enseignait. Une de mes profs nous avait lu « Le cœur révélateur » d’Edgar Poe, alors que nous avions sept ans ! C’était absolument terrifiant, mais je la remercie, car je suis rentrée à la maison, et j’ai demandé à maman de m’acheter ça. J’ai ensuite lu les contes pour enfants d’Oscar Wilde. Ils sont d’une beauté, d’une tristesse et d’une cruauté magnifique qui m’arrachaient des larmes, comme  « Le rossignol et la rose ». Je n’aimais pas les livres pour enfants, à part ceux Enid Blyton, les Nancy Drew (« Alice » en français), Tom Sawyer, Huckleberry Finn…

Y avait-il beaucoup de livres à la maison ?

Mon père ne lisait que des livres scientifiques, mais ma mère en revanche partageait ses romans avec moi. Elle avait toujours un livre à la main et un goût très éclectique. C’est elle qui m’a offert cet ouvrage qui a changé ma vie: « The young visiters » (sic). Paru pour la première fois en 1919, il avait été écrit par une enfant de 9 ans. Je me suis dit, voilà ce que je veux faire. Et, en 1973, je me suis lancée dans mon premier roman, que j’ai dédié à ma famille. J’avais 11 ans, et je n’ai plus jamais arrêté, au rythme d’un livre par an. Parallèlement, je tenais mon journal, que j’avais dédié à Anne Frank.

Est-ce que « Elle s’appelait Sarah » aurait quelque chose à voir avec le Journal d’Anne Frank ?

Probablement. Ça a planté la graine de la conscience de ce qui s’est passé. A l’école, on parlait de la Libération, mais pas du Vel d’hiv.

Quelles autres lectures ont compté pour vous ?

Celles qui m’ont le plus inspirée sont « Les grandes espérances » de Dickens, « Le seigneur des anneaux » de Tolkien, « Narnia » de C.S. Lewis. Ces auteurs m’emmenaient loin, dans un autre monde. Il y avait aussi « Le petit cheval blanc » d’Elizabeth Goudge, qui a inspiré Harry Potter à J.K. Rowling.

Pourquoi éprouviez-vous ce besoin de vous évader ?

J’avais un père qui travaillait énormément. Il était très disponible pour nous, mais toujours en train de bosser. Ma mère s’occupait beaucoup de nous, mais notre éducation était assez spartiate. Et tout était axé sur le sport. Je suis issue d’une famille de surfeurs et de skieurs, et moi je n’aimais pas beaucoup ça. Mon échappatoire, c’était la lecture.

Qu’éprouviez-vous en lisant ?

La même chose qu’aujourd’hui: l’émotion d’être vraiment embarquée quelque part. Par ces romans anglais et américains dont je vous parlais, mais aussi par la littérature française. J’ai éprouvé une sorte de révélation lorsque j’ai découvert « L’Assomoir » de Zola. J’ai lu tous les Rougon Macquart dans la foulée, et je les relis chaque été. Puis j’ai découvert Maupassant, ‘Une vie », « Le Horla ». J’avais tellement l’habitude de lire en anglais que, grâce à eux, la beauté de la langue m’a sauté aux yeux. Pour moi, jusqu’alors, le français était pénible. Lorsque nous sommes rentrés à Paris, j’ai dû réapprendre toutes les conjugaisons, j’ai eu beaucoup de mal à dompter l’écrit. Et la lecture était poussive. Grâce à ces auteurs, je suis tombée amoureuse de la langue française.

Vous ne lisiez que des classiques ?

A quinze ans, je suis tombée sur « Villa triste » de Patrick Modiano. Et ce fut un nouveau choc. Parce que lire Modiano, c’était non seulement lire quelque chose de totalement français, mais lire aussi un romancier qui parlait du Paris que je connaissais. Je m’émerveille alors de la beauté de sa plume, et je les dévore tous. J’ai découvert plus tard que ma grand-mère russe avait reçu Modiano, tout jeune.  

Il est temps de nous parler de l’ouragan littéraire qui va changer votre vie !

En 1975, ma mère m’offre « Rebecca » de Daphné du Maurier, en anglais bien sûr. Un vrai coup de foudre. J’ai l’impression qu’il a été écrit pour moi. Je deviens une groupie. Les gens de mon âge s’évanouissent devant les groupes Abba et Chicago. Moi c’est devant Daphné du Maurier. Il y a d’abord la maison, Manderley. Elle apparaît tout de suite, dès la première phrase, et c’est comme si j’entendais Daphné du Maurier me chuchoter à l’oreille. C’est la première fois, à part les « Haut de Hurlevent » ou « Jane Eyre », qu’une maison existe en temps que personne. Et puis il y a cette Rebecca qu’on ne voit jamais. Ce n’est pas une histoire d’amour, contrairement à ce que nous a fait croire le film de Hitchcock, mais une histoire de jalousie, de vengeance. Et ce personnage de Maxime de Winter est effrayant et sinistre. Ensuite, j’ai enchaîné avec tout ce qu’elle avait écrit. Je me suis dit « je veux être la nouvelle Daphné du Maurier. Et je veux écrire des livres où il y a des secrets, et des maisons. Et voilà !

Que lisiez-vous d’autre à cette époque ?

Les sœurs Brontë, mais ce ne fut pas la même révolution pour moi. J’ai aussi beaucoup lu de poésie, anglaise et française: Byron, Shelley, Keats. A l’école bilingue, une prof nous faisait écrire nos premières rédactions. Elle me disait que les miennes étaient « brontëesques » et m’encourageait à continuer! Et après la poésie, le sexe! « Lady Chatterley » fut une découverte. Et aussi des nouvelles érotiques d’Anaïs Nin, dont « Vénus erotica », que j’ai lue vers 16, 17 ans, puis « Sexus » de Henry Miller. Mais le plus sexy de tous reste « Le complexe d’Icare » d’Erica Young. Cela a fait l’effet d’une bombe dans les années 70. Elle parlait de tout, et me fascinait. C’était un livre féministe, très bien écrit. J’ai aussi aimé « Couple » de John Updike, un roman extrêmement concrêt. Et « Lolita ». J’avais le droit de lire de tout. Quand vous avez des parents nudistes, vous n’avez pas une éducation coincée !

Vous arrive-t-il d’être jalouse d’un auteur lorsque vous lisez ?

De Daphné du Maurier certainement. Elle a su créer un univers nouveau à chacun de ses livres. Et des auteurs qui ont été extrêment importants pour moi, mais sans que j’en sois jalouse, sont Katherine Mansfield, Virginia Woolf et Ian McEwan. Aux lectures douceâtres, j’ai toujours préféré celles qui me choquent, me troublent. Je suis une lectrice et une relectrice. Cela dit, ce n’est pas toujours une bonne idée, car il y a trois livres que j’ai relus et ce fut un désastre: « Les faux monnayeurs » de Gide. Je n’ai pas reconnu ce que j’avais éprouvé à l’époque. Pareil pour « L’écume des jours », et « Belle du seigneur », dont la mysoginie que je n’avais pas vue quand j’étais jeune fille, m’a beaucoup dérangée.

Pouvez-vous lire lorsque vous écrivez ?

Oui, là par exemple, je suis plongée dans « Réparer les vivants » de Maylis de Kerangal. J’ai besoin de lire. Je ne peux pas ne pas avoir un livre dans mon sac.

 

Où quand et comment ?

N’importe où et n’importe comment. Dans le métro, dans le parc, dans mon bain, sur un remonte-ski, chez le coiffeur.

Marque-pages ou pages cornées ?
Marque-pages pour savoir où j’en suis. Et pages cornées pour me rappeler qu’il y a quelque chose qui me plaît à cet endroit.

Bruit ou silence ?
J’ai besoin de silence pour écrire, mais je suis capable de lire partout. La chape d’invisibilité de Harry Potter tombe sur moi: on ne me voit plus, on ne m’entend plus.

Jamais sans mon livre ?
Jamais. Si ne je bouquine pas, je ne me sens pas bien.

Un seul ou plusieurs à la fois ?
En ce moment plusieurs, à cause de la sélection du prix de la Closerie des Lilas. Et puis je relis les romans de Daphné.

Combien de pages avant d’abandonner ?
J’essaie jusqu’à 50, mais parfois c’est 20. Si l’histoire me plaît, s’il y a un suspense inoui, si l’histoire très puissante, alors je peux ignorer le style. Mais il y a une chose que je déteste, c’est la mauvaise chick lit.

                                                

  la petite ordonnance du Dr. de Rosnay   

« Sur la plage de Chesil » de Ian McEwan

« Blonde » de Joyce Carol Oates

« Suite française » d’Irène Nemirovsky

« La crique du Français » de Daphne du Maurier

« Une mort esthétique » de PD James    

 

 
 
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