Maurice Pons
Christian Bourgois Editeur
septembre 1992
214 p.  17 €
ebook avec DRM 12,99 €
 
 
 

Lire, c’est déjà sortir !
le coup de coeur d’une auteure

Sandrine Collette
nous conseille la lecture de 
Les saisons
de Maurice Pons

Siméon rêve d’écrire un roman. Par ces hasards qui n’en sont jamais, magie ou malédiction, il trouve refuge dans une vallée où s’accomplira, se persuade-t-il, le miracle de l’écriture. Mais c’est une bien étrange vallée : qui ne connaît que deux saisons, 40 mois de pluie suivis de 40 mois de gel. A la première, on crache, on tousse, on vit dans les miasmes ; à la seconde, on s’enferme, on meurt, on est traîné jusqu’au dégel au pied de la Croix de Sépia où d’ordinaire les habitants viennent déféquer tranquillement. Dans le village hostile où Siméon s’installe – s’installe ? un vieux matelas dans un grenier plein de courants d’air consenti par l’aubergiste, accessible par une échelle – dans ce village donc, les habitants ne se nourrissent que de lentilles et sont aussi misérables, alcooliques ou brutaux que Siméon est laid. Une sorte de point commun. Bien sûr, il y a quelques rencontres, quelques âmes moins méchantes et moins mesquines, des filles et des femmes, et puis le Croll – le rebouteux. Mais Siméon ne peut que constater la difficulté de mener à bien son projet quand il reste pour toujours l’étranger, malgré ses tentatives d’intégration dans cette communauté repoussante, quand les saisons ont raison de son humeur et de sa force, quand une blessure au pied l’emmène aux confins de l’épouvante.

C’est un roman sublime et dérangeant. L’horreur et la poésie se côtoient en permanence – l’horreur de cette histoire glauque, poisseuse, glacée ; la poésie dans une écriture qui se suffirait à elle-même. L’humanité est une question qui ne nous lâche pas. Qui sont ces gens ? Qu’est-ce que cette vie-là ? Que pourra-t-il en sortir sinon quelque chose d’aussi sordide et puant que l’atmosphère des maisons, des lentilles bouillies, des dents pourries de ces habitants dégénérés et malgré tout unis ? C’est un tour de force, un tour de magie que d’avoir écrit un si fantastique roman avec une matière aussi lugubre, une sorte de spectacle grand-guignolesque. Pour le lecteur, c’est une épreuve en même temps qu’une révélation et une terrible interrogation sur le cœur de l’homme. S.C.

 

 
 
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