o n l a v u
Lucy Kirkwood en avait assez de débattre toute seule. Alors la Britannique a décidé d’écrire une série. Il y a des façons moins chronophages d’y voir plus clair. Mais la méthode retenue était à la taille de son questionnement. La démocratie occidentale est-elle un système supérieur ? se demandait-elle Ce questionnement est le fil rouge de « Chimerica » qui débute le 14 octobre sur Canal Plus. Une mini-série, créée pour la BBC, qui a pour pierre angulaire l’une des photos les plus célèbres du XXe siècle. Un jeune homme devant un tank. Debout face à une armée. Place Tian’anmen à Pékin. Durant quatre épisodes, l’auteure tente de soupeser la force et la faiblesse de ce cliché. Que dit-il de la vérité ? Quel est son impact ? Que peut-il changer ? Qu’a-t-il changé ? Ces points d’interrogation pèsent comme des fardeaux insupportables sur les épaules de son personnage principal, Lee Berger (Alessandro Nivola). Jeune reporter américain, il a fait partie de ceux qui ont réussi à immortaliser la scène et surtout à faire sortir la pellicule de Chine. Un fait d’armes qui l’a forcément propulsé au rang de star du photojournalisme. Depuis, il a roulé sa bosse dans le monde entier. Il a tout capté du pire de l’humanité. Mais plus il avait à dire, moins il trouvait de place pour le raconter. Autour de lui, le monde a changé. La presse écrite est à l’agonie. Les guerres lointaines sont reléguées en fin de journal. Il faut frapper toujours plus fort avec l’objectif pour y avoir le droit de cité. La tentation est grande d’en rajouter juste pour que le lendemain matin l’américain lambda s’arrête sur la photo en buvant son café et se rappelle qu’il existe un autre hémisphère où des gens vivent des choses qu’il ne devrait pas accepter. Berger souffre aussi de devoir composer avec l’air du temps. Les reporters sont devenus les meilleurs ennemis des populistes. Dans l’esprit de nombreux électeurs, leurs infos sont forcément des fake news. Et même si l’on peut rationnellement démontrer que ce n’est pas le cas, aucune importance. Depuis le 20 janvier 2017, date de l’inauguration de Donald Trump, ce qui compte, c’est l’efficacité et pas la vérité. La démocratie occidentale a changé de visage. Et la morale est devenue anecdotique. Forcément le questionnement de Lucy Kirkwood remue le téléspectateur. Hier sur la place Tian’anmen. Aujourd’hui en Amérique. Régime totalitaire. démocratie. Le parallèle est cinglant. Comme une gifle. On trouve forcément un peu gonflé de renvoyer dos à dos la Chine et les Etats-Unis. Elle répond tranquillement qu’elle réfléchit au sujet depuis longtemps. À l’origine, elle défendait d’ailleurs la position inverse dans sa pièce de théâtre éponyme. Mais la scénariste affirme que l’actualité l’a contrainte à revoir sa position. « C’est tout ce qui s’est passé en politique depuis son écriture en 2013 qui m’a convaincue qu’il y avait une valeur ajoutée à l’adapter, explique-t-elle. Le Brexit et l’élection de Trump en particulier ont rendu compliqué le postulat qui considérait que la démocratie était un système supérieur. » |
|