o n l a v u La bonne nouvelle, c’est que nous ne cesserons jamais d’apprendre. La mauvaise, c’est que nous ne cesserons jamais de douter. Ces deux infos sont délivrées de manière délicate par « Mrs Fletcher », une série HBO qui débute sur OCS dès lundi en France. Elle est signée Tom Perrotta, auteur du best-seller éponyme, qui revient à la télé après la bouleversante « The Leftovers ». Il y traitait du deuil de manière abyssale. Aucun de ses téléspectateurs n’en était sorti indemne. Une nouvelle fois, il nous tend un miroir. Moins lacrymal. Moins radical. Moins définitif. Mais presque plus perturbant. Il n’est là question que du tout petit. Du quotidien. Du temps qui passe. Des choses qui passent. De celles qui restent coincées. D’une mère. D’un fils. Elle ne l’a pas vu grandir. On sent bien qu’elle n’a vécu que pour lui. Il ne s’est pas vu grandir. Trop autocentré sur ses désirs de fils surprotégé. Et pourtant, c’est déjà l’heure du départ pour l’université. Soudain, il ne reste que du vide sous les pieds d’Eve Fletcher, bouleversante Kathryne Hahn. Parce que tous les possibles sur le papier, c’est bien. Mais dans la réalité, cela ressemble juste un frigo plein et personne pour passer à table. « We are gonna be OK » lui lance son amie pour la réconforter devant un verre de vin. Comme elle lancerait une bouée de secours pour conjurer le syndrome du nid vide qui a déjà commencé le boulot. Mais l’affirmation rassurante n’est annonciatrice que d’une errance sans but. Peu à peu, Mrs Fletcher découvre que la chambre vide de son fils, ses SMS trop rares sont des indices. Comme une photo argentique plongée dans le dernier bain, elle se révèle lentement à elle-même. Et ce qu’elle voit et nous avec elle, c’est tout ce qu’elle s’est privée de vivre. Tout ce qu’elle a à découvrir. Une collision entre la frustration et le désir qui ébranle ses certitudes, ses valeurs, ses croyances. Le doute est là pour occuper le terrain. La frousse fait équipe avec lui. L’écriture subtile et l’interprétation toute en retenue d’une magnifique mais trop méconnue comédienne américaine en font une expérience télévisuelle à la fois perturbante et touchante. Eve Fletcher parle aux filles, aux mères, aux fils, aux pères. Aux femmes. Aux hommes. A ceux qui se cherchent. Comme Brendan qui, entre les quatre murs de sa chambre d’université, voyage vers l’âge adulte. Ils vont se croiser en chemin. C’est une affaire dramaturgiquement programmée. Vont-ils se retrouver ? C’est l’une des questions posées par Tom Perrotta. Elle semble anecdotique. Enfin comparée à l’interrogation fondamentale qui fait de Mrs Fletcher un objet sériel fascinant. Comment recommencer ? Eve Fletcher sait qu’elle doit recommencer. Recommencer à recommencer. Une leçon de vie plus amère que douce. Mais très universelle. Marianne Levy 7 épisodes sur OCS
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